Bernard Debré L'euthanasie, l'impossible loi Présentation critique, extraits du livre.
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Bernard Debré, chirurgien, professeur de médecine, dans un livre intitulé " Nous t'avons tant aimé " (1) se bat contre la légalisation de l'euthanasie, " l'impossible loi " dit le sous titre du livre. Ses arguments touchent parce qu'ils sont vrais, sur la dignité, sur la souffrance, sur l'a fausse notion d'acharnement thérapeutique. |
La dignité ? La compassion invoquée à grand renfort d'émotions médiatiques n'est-elle pas une hypocrisie en réalité ? elle repose dit l'auteur sur l'ignorance et l'indifférence des biens portants. Il le démontre. L'argument le plus généralement invoqué en faveur de la légalisation de l'euthanasie, c'est en effet " de pouvoir mourir en dignité ".Voici ce qu'écrit Bernard Debré à ce sujet : " Pour les uns, la dignité essentielle consiste à ne pas vivre grâce à l'assistance de tuyaux et entouré d'écrans de contrôle. C'est la vision que véhiculent les théoriciens de l'euthanasie, qui sont pour la plupart, je ne le dirai jamais assez, des gens bien portants. Mais c'est rarement celle des malades en fin de vie, pris en charge dans le cadre d'unités palliatives. Pour eux, la première dignité est de recevoir leur dose d'antalgique au bon moment; c'est aussi qu'il y ait des infirmières en nombre suffisant pour l'entourer, lui parler de tout et de rien, faire sa toilette dix fois par jour s'il a perdu le contrôle de ses selles ou de ses urines... " " La dignité du mourant se confond alors avec celle, admirable, des hommes et des femmes qui l'accompagnent dans ses derniers instants: personnel hospitalier, famille, proches, qui consacrent affection et dévouement à rendre digne d'être vécue une vie qui s'en va ". " Changer draps et pansements aussi souvent qu'il le faut, maintenir une chambre impeccable et une atmosphère joyeuse - oui, joyeuse! j'en témoigne pour l'avoir constaté et m'être senti incapable d'expliquer pourquoi -, répondre aux derniers désirs d'un mourant qui réclame son petit plat préféré, au nom de quoi tout cela serait-il moins conforme à la dignité humaine que débrancher un tuyau parce que l'espoir de guérir a disparu ? " " Cette évidence assaille quiconque prend la peine de fré-quenter, ne serait-ce qu'épisodiquement, les centres de soins palliatifs: ce n'est pas la mort qui est indigne, c'est l'absence d'accompagnement. Oui, mourir peut être laid, sale et malodorant. Mais c'est aussi aux vivants qu'il ap-partient d'être dignes en faisant en sorte que la mort ne soit rien de tout cela. Voilà bien l'étrange paradoxe de ce XXIe siècle: présenter l'euthanasie comme un progrès alors que notre époque est la première de l'Histoire à détenir les moyens de supprimer la douleur physique et, dans une moindre mesure, la souffrance psychologique. " (pages 33-35)
Et la souffrance ? Nous sommes à juste titre inquiets de la souffrance que nos proches vont éprouver. Avec le professeur Israël, Bernard Debré assure que cet argument n'a pratiquement plus de raison d'être : " La douleur! Nous ne le dirons jamais assez, progrès réalisés ces dernières années dans le domaine de l'analgésie ont permis à la médecine d'obtenir ce qui paraissait impensable autrefois: éliminer pratiquement la souffrance de l'existence quotidienne des malades en fin de vie. Point n'est e lieu de détailler les techniques innombrables qui sont désormais à la disposition des médecins pour faire reculer la douleur, mais retenons tout de même qu'elles permettent de faire face à presque toutes les situations ". " L'administration des dérivés morphiniques a été simplifiée: il n'y a pas si longtemps, l'injection était la règle; depuis quelques années, on a le choix entre des " patchs " autocollants et des doseurs qui laissent au malade toute liberté pour se mouvoir, lui-même pouvant " auto-doser " son propre traitement en fonction de ses besoins. Et à côté des antalgiques, il y a toute la gamme des psychotropes, pour juguler la souffrance morale et atténuer les angoisses. " " Mais cette évidence, qu'aucun médecin n'ignore, qui la connaît parmi le grand public ? Bien peu, en vérité, et j'ose dire, presque personne parmi la population " bien portante ". C'est ainsi que prend corps l'autre grand malentendu, ou si l'on préfère, l'autre contresens inhérent au débat sur l'acharne-ment médical: pour la plupart de ceux qui se pro-noncent, par principe, pour abréger une fin de vie difficile, l'euthanasie est le moyen privilégié pour libérer un patient de la douleur! " (pages 28 et 29)
La thérapeutique progresse Bernard Debré conteste également les attaques contre la thérapeutique. On parle d'une loi qui cadrerait " d'acharnement thérapeutique ". Mais c'est parce que les médecins luttent pour soigner mieux que… l'on est mieux soigné : Or comment fixer, ce qui, par essence, ne saurait l'être: les limites de la connais-sance du vivant ? " Le quintuple champion du Tour de France, Lance Armstrong, a été opéré en 1996 d'un cancer gravissime du testicule. Aujourd'hui, c'est l'un des athlètes les plus impressionnants de sa génération. Voici cinquante ans, vingt ans même, il n'aurait été qu'un cas désespéré. Un " incurable " sur lequel aucun contempteur actuel de l'acharnement thérapeutique n'aurait accepté de tenter le moindre traitement, autre que palliatif, pour peu qu'une loi encadrant les protocoles médicaux ait existé. " " Allons donc! Un choriocarcinome (tumeur) du testicule, de stade IV - le stade évolutif le plus élevé - avec métastases abdominales, pulmonaires, et surtout cérébrales, nécessitant, en sus d'une quadruple chimiothérapie, une intervention neurochirurgicale urgente dans la région occipitale. Qui aurait pu résister à cela voici quelques années ? Lance Armstrong l'a fait et avec lui près de 90 % des hommes traités pour la même pathologie, qu'on peut désormais considérer comme guéris ! " (page 22). Grâce à quel prodige, sinon le progrès incessant des nouvelles molécules, associées à une dose non négligeable d' acharnement thérapeutique " ?
Et la recherche sur les embryons, une autre euthanasie ? Curieusement, Bernard Debré, après avoir développé sa critique de l'idée de " légaliser " l'euthanasie part soudain sur une autre piste, où nous avons du mal à le suivre. Après avoir expliqué que chez l'homme " la plupart des organes adultes sont de véritables cellules souches destinées à remplacer celles qui disparaissent ", il nous informe que certaines cellules souches de la moelle osseuse ou du rein pourraient, aujourd'hui en laboratoire, pourraient servir à créer différents organes. Mais pourtant il plaide pour un travail de recherche sur les cellules souches embryonnaires. De là il réclame un certain " clonage thérapeutique ". Comment pourrait-on réduire un être humain à n'être qu'un objet de recherche ou un médicament ? Si le prélèvement entraîne la mort de l'embryon, ne serait ce pas finalement " une autre euthanasie " ? Et, en ce qui concerne le supposé " clonage thérapeutique ", un être humain pourrait-il être produit dans le seul but de devenir un cobaye ou un esclave thérapeutique ? Au delà de ces réserves, le livre du Professeur Debré nous paraît de ceux qui sont indispensables aujourd'hui pour connaître les faits, penser, décider sur cette question de l'euthanasie. Cette euthanasie qui submerge certains jours notre société en " tempêtes médiatiques " au souffle desquelles pendant quelques jours tuer est présenté comme synonyme d'aimer. Non, aimer ce n'est pas, ce ne sera jamais donner la mort. Et la société ne peut légiférer pour " encadrer l'euthanasie ", comme le démontre l'auteur de ce livre, sans légitimer la suppression d'autrui avec toutes les dérives, c'est à dire toutes ses conséquences. Il n'y a aucun homme à qui l'on puisse dénier la dignité humaine.
(1) " Nous t'avons tant aimé. L'euthanasie , l'impossible loi. " Professeur Bernard DEBRE. Editions Le Cherche Midi, Paris 2004. 144 pages, 10 euros. Pour en savoir plus "dossier euthasie"
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