« Les Celtes » désignent un ensemble de peuples de
langues et de cultures s’étageant sur trois millénaires.
Quelle commune identité peut-il y avoir entre tant d’époques
et de civilisations différentes ? Aujourd’hui les Celtes
aiment à se reconnaître dans un passé héroïque
et mystérieux. Comment quelque chose de cette origine - la première
« civilisation celte » connue remonte à 700 ans avant
Jésus Christ - peut-elle avoir encore une influence et une signification
?
La lointaine période dite de «
La Tène » dans la préhistoire a livré des objets
d’art dans de nombreux cimetières au premier millénaire
Av. J C depuis la vallée du Danube jusqu’à la Grande
Bretagne. L’extension des Celtes atteint l’Asie Mineure («
les fameux « Galates »), l’Espagne, l’Ecosse et
l’Irlande.
Envahisseurs, conquérants ? Tout
est possible, peu de choses sont certaines, et les thèses divergent,
mais enfin, ils étaient là. Ils affrontent les Grecs et
pillent Olympie, menacent Rome depuis la « Gaule Cisalpine »,
sont asservis par elle ou repoussés au delà des Alpes. Puis
la Gaule devient « Gallo-Romaine », la Grande Bretagne subit
une influence moins forte de Rome après laquelle repoussera une
nouvelle culture Celte. Les Grands-Bretons sont repoussés dans
l’ouest, au Pays de Galles et en Cornouailles. De là ils
passent en Armorique où ils établissent la Bretagne. Le
reste de l’Europe continentale est romanisée, puis subit
les diverses invasions germaniques, slaves, hongroises et danoises.
Dès le VIe siècle l’originalité
celte caractérisée par ses langues ne subsiste guère
que dans l’extrême ouest mais s’est maintenue jusqu’au
XIXe siècle. Mais ces rameaux de langues celtes que sont le Gaélique
Irlandais, le Gaélique Scot(Ecosse), le Cornique (Cornouailles
Anglaise ou « Cornwall »), le Gallois (Pays de Galles), le
Manx (Ile de Man) et les Quatre Bretons ( Léon, Trégor,
Cornouailles et Vannes) sont aujourd’hui presque réduits
au volontarisme.
Les Celtes finiront-ils ultimement chassés
des terres européennes dissous dans les brouillards de l’Atlantique
Nord où l’horizon se confond avec l’Au-delà
de leurs légendes et de leur mystique ?
Si aucune civilisation n’est immortelle,
aucune culture non plus n’a jamais été et ne sera
une culture pure propre à une population et identique à
son génie.
La « Celtitude » aujourd’hui,
est revendiquée beaucoup plus par des Irlandais qui parlent Anglais
que par ceux qui encore parlent le Gaélique, des Américains
qui n’ont jamais mis le pied dans l’extrême ouest européen,
des Bretons qui écrivent en français. Car il demeure pourtant
une source permanente héroïque et mystique, aventureuse et
imaginative d’inspiration celtique. On peut considérer que
cette source s’est mêlée de façon créative
d’abord à l’ancien monde ; puis après la disparition
de la civilisation romaine à l’essor de la nouvelle civilisation européenne au Moyen Age, |
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puis aux littératures anglaises
et françaises depuis le XIe siècle jusqu’à
nos jours ; aux aventures des grandes découvertes, aux établissements
d’outre-mer, à l’extension des Etats Unis.
Dans la « mondialisation » telle
qu’elle se présente au début du XXIe siècle,
chacun se recherche une identité et des antécédents,
une culture d’élection.
Dans cette recherche la Celtitude affiche
une étonnante énergie et
une attraction toujours poétique et merveilleuse comme aux temps
où les récits du Roi Arthur avaient séduit toute
l’Europe de l’Ouest. En est témoin cette renaissance
de la musique celtique :
A Lorient (dans le « Morbihan »,
le seul département français à nom breton), ville
de cent mille habitants, 350.000 personnes participent l’été
au « Festival inter-celtique ». A cent kilomètres de
là, en peine Bretagne intérieure et ignorée, la petite
ville de Carhaix, 5.000 habitants, a vu en quelques années son
« festival des vieilles charrues » passer de quelques centaines
de participants au début à 150.000 l’été
2.002.
Sur les routes de Bretagne et du Pays de
Galles le Nouveau Tro Breiz (Tour de Bretagne) rassemble des milliers
de marcheurs allant par les lieux d’histoire et de légende
aux Cathédrales des « Evêques Fondateurs ».
Bien sûr chaque époque «
réinvente les Celtes » comme le XVIIIe réinventait
les Gaulois, comme le XIXe donnait les « Songes d’Ossian »,
les romans Ecossais de Walter Scott, ou les Recueils de traditions chantées
en Breton Armoricain du Barzaz Breiz. Dans la peinture, la Bretagne connaîtra
au tournant des XIXe et XXe siècle une période faste dont
Pont Aven, les Synthétistes et les Nabis sont les phares.
Aujourd’hui, dans les librairies de
Dublin comme de Belfast, de Rennes ou de Quimper fleurissent les «
Atlas des Celtes », les « Arts des Celtes », des Histoires,
des Légendes des Manuels de linguistique, des Initiations à
la Mystique celte, des savants traités sur les Druides (à
partir des Récits Irlandais). A Tréguier (Bretagne nord
) on va fêter de façon grandiose le 7e centenaire de saint
Yves, l’un des saints bretons les plus populaires et les plus authentiques.
Ainsi la Celtitude n’est pas en train
de disparaître malgré le déclin du parler populaire
des vieux dialectes bretons gallois irlandais ou écossais. Non,
dans la mondialisation des cultures qui s’opère actuellement
sous l’action dominante de l’économico-anglais, grandit
le désir d’être du monde et en même temps
d’être autrement : la Celtitude est une chance : elle
est un témoin vivant de l’être autrement,
elle est l’une des réponses au désir de l’homme
de se découvrir racines et inspiration pour une identité
personnelle et une créativité.
La Celtitude d’aujourd’hui,
une fois de plus se revivifie, s’adopte, se réinvente. Elle
ne sera jamais la même, peu importe, elle vit et demeure une source. |