Pont Aven ! Ce petit village de Bretagne sud est une sorte de lieu fabuleux de la peinture, et certains se demandent s’il existe vraiment.
Oui, il existe, et l’hôtel des Voyageurs, où résidaient une partie des peintres, est devenu depuis longtemps un musée. Mais le paysage demeure toujours, la rivière et les rochers, les moulins, la ria ; même si autour la vie et l’économie ont transformé les pentes sauvages où l’ajonc fleurissait sur la lande.
Le peintre Turner était passé au large en 1826, tandis que le voyageur J F Brousmiche, de Brest, écrivait en 1831 : « La rivière de Pont Aven, en la descendant jusqu’à la mer, présente une multitude de sites qui sont dignes d’être reproduits par le pinceau du peintre ». En 1843, François Hyppolite Lalaisse, voyageant à pied tout au long de la Bretagne pour une série de lithographies qui seront publiés à Nantes dans « la Galerie armoricaine » nous laisse une charmante aquarelle de femmes de Pont Aven ( http://www.1000questions.net/br/pa/ ) et un dessin des moulins au milieu des rochers et des cascades.
C’est vers 1860 que la grande aventure va commencer avec « les sept pécheurs originels 1 » : Robert Wylie, Charles Way, Earl Shinn, Benjamin Champney, Frederick Bridgman et Moses Wight, des Américains auxquels notre école des Beaux Arts de Paris vient de fermer ses portes pour cause d’étrangeté. de nombreux autres peintres, d’abord Anglais, puis Français vont faire de Pont Aven leur résidence d’été, parfois aussi d’hiver. On estime à plus de cent le nombre d’artistes dans les années 80. Les Américains sont assez nombreux pour fêter le 4 juillet, Independance Day. Des Irlandais, Néerlandais et scandinaves complètent la colonie des Beaux Arts.
Gauguin y arrive en 1886 ; alors « Pont Aven n’est plus qu’un immense atelier de peinture en plein air… 2 . Si l’on n’est pas fixé sur le lieu d’émigration des sardines, on sait encore moins où vont s’échouer ces innombrables toiles assaisonnées également à l’huile… » écrit un certain Courtois dans un article de l'Union de Quimperlé (cité par A. Cariou dans son excellent livre «les peintres de Pont Aven, éd. Ouest France).
Nous savons où elles sont aujourd’hui : dans les musées les plus prestigieux et chez les amateurs les plus riches du monde !
Gauguin, avec Emile Bernard, crée à Pont Aven « Le synthétisme » (voir encadré), qui succède à l’impressionnisme, et d’où se détacheront « Les nabis », avec Sérusier, Bonnard, Maurice Denis, Ibels Ranson et Piot.
Le Synthétisme par Emile Bernard :
« Faire une peinture d’idées au rebours de la peinture naturaliste des impressionnistes, non par contradiction, mais par besoin de mon esprit… Comment représenter les choses ? ma réponse me parut simple. Puisque l’idée est la forme des choses recueillies par l’imagination, il fallait peindre , non plus devant la chose mais en la reprenant dans l’imagination qui l’avait recueillie, qui en conservait l’idée ;
« La signification ou synthèse s’imposait d’abord comme inhérente à l’idée ; car l’idée ne garde que l’essentiel des choses perçues et par conséquent en rejette le détail ».
« La mémoire ne retient pas tout, mais ce qui frappe l’esprit. Donc formes et couleurs devenaient simples, dans une égale unité. En peignant de mémoire, j’avais l’avantage d’abolir l’inutile complication des formes et des tons ; il restait un schéma du spectacle regardé ». (E. Bernard, cité par A. Cariou dans « les peintres de Pont Aven », p.56).
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Le tableau de Bernard, Bretonnes dans la prairie verte sera d’une grande importance pour Gauguin, qu’il va montrer à Van Gogh et que celui-ci copiera. Quant à Sérusier, ce sera le fameux « Talisman » (au musée d’Orsay), donné comme une « relique » à Maurice Denis. Gauguin peint la vision du sermon, ou la lutte de Jacob et de l’Ange , qui malheureusement effraiera un peu le recteur de Nizon à qui il voulait le donner pour son église !
En 1889 a lieu L’exposition au Café Volpini, dans l’enceinte de l’Exposition Universelle, où les peintres de Pont Aven ne sont pourtant pas admis officiellement comme les Impressionnistes, consacre la nouvelle école, sous le titre : Exposition Impressionniste-Synthétiste. Le cafetier avait accepté de remplacer les décorations non arrivées par les tableaux synthétistes.
L’exposition l’aventure de Pont Aven et Gauguin au Musée du Luxembourg est riche de tableaux de Gauguin bien sûr, époque de Pont Aven et du Pouldu, mais aussi de Wylie, le précurseur, Emile Bernard, Chamaillard, Henri C, G. Lacombe, E. Jourdan, Ch. Laval , Maxime Maufra, Meyer de Haan, Henry Moret, Roderic O’Conor, Schuffenecker, Armand Seguin, W. Slewinski, Jan Verkade et Willumsen.
André Cariou, conservateur en chef du Musée des Beaux Arts de Quimper, et spécialiste de Pont Aven, est le commissaire de l’exposition qui durera du 2 avril jusqu’au 22 juin.