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Pasteur, le croyant
Par Hervé-Marie Catta

Louis Pasteur [35 Ko]Pasteur, dont on célébrait le centenaire en 1995, demeure pour un large public une figure de savant prestigieuse. Différents partis aimeraient le compter au nombre des leurs. Pourtant ni les athées, spécialement les marxistes, ni ceux qui font du monde ou de la nature un dieu — les panthéistes et le nouvel âge — ne peuvent en vérité revendiquer Pasteur. Car Louis Pasteur, s’il ne fut pas toujours pratiquant, a réellement été un croyant. Croyant à l’Évangile et au Dieu de l’Évangile, croyant à la vie éternelle et à notre réunion dans le Ciel avec nos êtres chers endormis dans la miséricorde de Dieu. Croyant et témoin de Dieu face aux hommes célèbres de son époque tant dans les lettres que dans les sciences.

Maurice Vallery Radot, petit neveu de Pasteur, a admirablement mis en lumière son itinéraire chrétien dans un portrait de Pasteur, un savant chrétien dans le journal La Croix (1) du 31 janvier 1995, et surtout dans son beau livre Pasteur (2).

Né à Dôle, dans le Jura, Pasteur avait pour père un ancien soldat de Napoléon exerçant le métier de tanneur. De ses années de collège à Besançon, et de son passage comme élève à l’École Normale Supérieure (dont il sera plus tard directeur), nous avons le témoignage d’un camarade, Charles Chappuis, devenu recteur d’université, et resté le confident du savant.

Il écrit dans la notice qu’il lui consacre à sa mort : « Il a conservé entières les croyances de sa jeunesse. »

Quelles étaient ces croyances ? Au collège, il prie deux fois par jour (lettre à ses parents). Il lit Lamennais, dont il aime à citer Les paroles d’un croyant à ses camarades.

Arrivé à Paris pour suivre les cours de l’École Normale, il suit les conférences de carême instituées par Monseigneur de Quelen à Notre Dame, à l’instigation du jeune Ozanam, et inaugurées par la prédication de Lacordaire.

À l’époque, peu de savants chrétiens osent se dire tels dans une expansion scientifique transformée par l’athéisme du XIXe siècle en scientisme. Le scientisme, c’est une application particulière du positivisme : il n’y a pas d’autres modes de connaissance que la science, et les progrès de la science permettront de tout connaître. Quand on connaîtra tout, il n’y aura plus de place pour Dieu, la science l’aura remplacé.

C’est un peu la même logique qui inspirait l’an dernier le rédacteur d’un éditorial du journal Le Monde qui expliquait que le péché originel n’existait plus puisque le pape approuvait la théorie de l’évolution.

Les scientifiques athées, si prompts à dénoncer les empiétements de l’Église sur la science, n’ont pas toujours la même lucidité pour éviter de transformer des théories scientifiques en dogmes métaphysiques. Par exemple dire que s’il y a évolution, ce n’est plus Dieu qui crée mais la nature qui s’auto-crée, ce n’est pas de la science, c’est une infiltration idéologique inacceptable dans la théorie de l’évolution. L’athéisme lui aussi doit respecter l’autonomie des sciences (3).

Ces choses-là sont plus aisées aujourd’hui qu’il y a 150 ans. Des savants chrétiens ont cependant existé au XIXe siècle, et Pasteur est le troisième d’une trilogie fameuse dont le premier est le mathématicien Cauchy et le second le physicien Ampère (4).

Pasteur n’était pas un philosophe et n’avait pas le talent rhétorique d’un Renan. Argumentant, démontrant et gagnant ses batailles scientifiques, le savant n’avait en matière de religion que l’affirmation de la foi. Est-ce à dire que son témoignage portait moins que les attaques élaborées de Littré, de Renan ou du chimiste Berthelot ?

À la pointe la plus intime de la foi de Pasteur, il y a sa foi dans le Ciel de Dieu. Atteint au plus profond par la mort de certains de ses enfants, sa peine ne le conduit pas à la révolte et à la négation de Dieu. Au contraire, il trouve son appui dans l’espérance du Ciel : après le décès de sa petite Jeanne, en 1859, il écrit à un proche qu’elle « vient d’aller au Ciel pour prier pour nous. »

C’est sur ce fond intime que s’inscrit le reste. Si sa femme et sa fille ont une relation à Dieu vivante, à travers la messe, les sacrements, la prière personnelle, Louis Pasteur estime que son travail vaut la prière, et il est possible que le manque de pratique et de prière ait donné à certaines périodes une sécheresse à sa foi.

Pourtant, au moment de témoigner, soudain, la grâce du baptême jaillit.


« Quand cette notion (de l’infini) s’empare de l’entendement, il n’y a qu’à se prosterner… On se sent prêt d’être saisi par la sublime folie de Pascal. »

Louis Pasteur.


L’Esprit Saint est là présent, qui pousse le baptisé à dire, à parler, à ne pas accepter. C’est l’histoire rocambolesque des chrétiens d’Arbois, persécutés par la mairie, à qui il se joint au sortir de la messe sous l’arrosage des pompes à eaux de la municipalité anticléricale.

On aimerait signaler à Claude Allègre (5) le débat aujourd’hui pittoresque entre les tenants de la génération spontanée et le découvreur du nouveau monde des microbes. Or, les matérialistes de l’époque — y compris le fameux chimiste Berthelot — étaient partisans de la génération spontanée. Ils pensaient en effet que la matière (= la nature ou le cosmos pour nombre de savants — et de non savants — aujourd’hui) se créait, s’organisait elle-même et de ce fait, n’avait pas besoin d’un créateur distinct du monde.

Pasteur le croyant, sans faire intervenir en rien sa foi dans la démonstration, prouve de façon éclatante que la génération spontanée de microbes était une chimère : « Tant pis pour ceux dont les idées philosophiques sont gênées par mes études. »

En 1882, l’Esprit Saint attendait Louis Pasteur non plus sous l’arrosoir mais “sous la coupole” de l’Académie française. Il venait d’être élu au fauteuil laissé par la mort de Littré, athée militant de son vivant. Dans son discours, Pasteur devait faire l’éloge de son prédécesseur. Quand à Renan, autre athée célèbre, il aurait à faire le discours d’accueil du savant chrétien.

Pasteur parla : « Au-delà de cette voûte étoilée, qu’y a-t-il ? De nouveaux cieux étoilés. Soit ! Et au delà ?… Quand cette notion (de l’infini) s’empare de l’entendement, il n’y a qu’à se prosterner… On se sent prêt d’être saisi par la sublime folie de Pascal. »

Un témoin, Legouvé, plus tard membre de l’institut devait déclarer dans un discours pour l’inhumation de Pasteur : « Ces paroles firent courir dans toute l’assemblée un frisson d’enthousiasme et de foi… »

Pasteur, le grand Pasteur, par son courageux témoignage, si dépourvu fut-il d’appareil philosophique, libérait les petits et les humbles de la dictature du scientisme. Renan se vengea dit-on en ironisant délicatement sur la foi du savant.

Après la foi, l’espérance et le témoignage de foi, Pasteur affirma, en public, une nouvelle dimension de sa vie de croyant : l’action de grâces.

Celui qui, à l’époque, avait une réputation mondiale, telle que bien des prix Nobel actuels n’en ont pas d’équivalente, était fier de son travail et conscient de son importance. Cependant, dans le discours d’inauguration de son “institut Pasteur”, il rendit humblement grâce au secours divin qui lui avait permis de reculer les frontières connues de la vie.

La fin de sa vie fut une vraie préparation à l’éternité. Le vieil homme paralysé se faisait lire l’Évangile. Il avait, en servant les pauvres et les malades, quelquefois peut-être oublié de visiter le bon Berger. Maintenant, voilà que ce bon Berger venait à lui. On lui donnait les derniers sacrements et il s’en allait rejoindre au Ciel de Dieu ses enfants aimés comme il l’avait toujours espéré.

En contemplant cette vie, vient au cœur ce passage de l’Ecclésiastique, au chapitre 38 : « C’est lui (Dieu) aussi qui donne aux hommes la science pour qu’ils se glorifient devant ses œuvres puissantes. Il en fait usage pour soigner et soulager ; le pharmacien en fait des mixtures… et par lui le bien être se répand sur la terre. »


(1) La Croix, 31 décembre 1995.
(2) Éditions Perrin.
(3) Claude Allègre, dans son livre Dieu et la science s’est essayé à rétablir cette autonomie et les domaines propres de la foi ou de l’athéisme. Cet effort sincère et parfois couronné succès ne va pas toujours jusqu’au bout, à cause de préjugés anti-Église et anti-Révélation, mais il a le mérite d’avoir placé le débat sur son vrai terrain.
(4) C’est chez Ampère que Ozanam aura sa chambre d’étudiant. Ampère Fils se montrera ami fidèle d’Ozanam, et comme lui professeur de lettres à l’université. Ozanam sera l’apôtre de l’évangélisation de la culture. Pour y travailler, il réussira l’agrégation de lettres et entreprendra un travail historique considérable.
(5) Claude Allègre, Dieu et la foi, cité plus haut. Paris, 1997.

Ce texte est issu du numéro 142 de la revue Il est Vivant!

 

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