Régulièrement
un cinéaste tel Besson, ou des historiens, peu scrupuleux malheureusement
lorsquil sagit dun personnage de lhistoire quils
naiment pas , nous assurent que lon sait " peu de choses
sur Jeanne dArc ".
Une enquête simposait : ce dossier répond aux questions
concernant lhistoire de Jeanne dArc : Y a-t-il des moyens
de connaître par des documents sa véritable histoire ?
Plan du dossier :
Introduction : pourquoi un travail sur Jeanne dArc
?
1° Les sources sur Jeanne dArc
2° La France pendant la Guerre de Cent Ans.
3° Chronologie de la vie publique de Jeanne.
4° Une femme chef de Guerre.
5° La pureté de Jeanne.
6° Le bon sens et lhumour.
7° Le sens de sa mission.
Epilogue
Conclusion
Introduction :
Jeanne est un personnage mondialement connu : des études sur Jeanne
ont été faites aux Etats-Unis, au Japon. Cette héroïne
nest pourtant pas le fruit dune légende car ses origines
et son parcours sont très bien connus. Il y a donc peu de place
pour lextrapolation et limagination, si on souhaite faire
une uvre honnête dans le respect des documents. Cest
ce que tend à démontrer cet article.
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Pages
du Procès |
1°
Les sources sur Jeanne dArc
La vie publique de Jeanne sétend sur deux années environ,
soit de 1429 à 1431, date à laquelle elle est brûlée
vive sur la place du Vieux Marché à Rouen. Jeanne avait
environ 19 ans à sa mort. Son action, son procès et sa mise
à mort nous sont connus par quatre sortes de sources :
- Le procès de condamnation
de Jeanne dArc : de février à mai 1431, Jeanne est
jugée à Rouen dans la forteresse du Bouvreuil. Les séances
du procès, qui fut dabord public puis à huis clôt,
sont consignées par écrit par des notaires qui transcrivent
à la fois les questions des juges et les réponses de Jeanne.
On a aussi appelé ces documents les minutes du procès.
Les historiens aujourdhui peuvent lire les trois manuscrits originaux,
où sont apposées les signatures des notaires. Lun
de ces manuscrits se trouve dans la bibliothèque de lAssemblée
Nationale à Paris.
- Le procès de nullité
ou procès de réhabilitation : de 1452 à 1456, le
légat du pape, Guillaume dEstouteville, et le grand Inquisiteur
procèdent à une enquête pour rétablir la
vérité sur Jeanne. 115 témoins comparaissent alors
: des amis denfance, des parents qui ont connu Jeanne à
Domrémy, ses compagnons darmes, les ecclésiastiques
qui ont reconnu sa mission à Poitiers en 1429, les habitants
dOrléans et des villes qui ont accueilli Jeanne, les notaires
et lhuissier au procès de condamnation, des assesseurs
et des bourgeois de Rouen qui lont vu mourir. Lenquête
est menée avec le plus grand soin. La diversité des témoignages
permet de dégager un portrait de Jeanne convergent. De ce procès,
lhistorien daujourdhui a la chance de posséder
trois manuscrits originaux où sont, là aussi, apposées
les signatures des notaires.
Pour
en savoir plus : le procés de jeanne d'arc
- Les lettres de Jeanne :
comme tous les chefs de guerre, Jeanne disposait dun héraut
chargé de communiquer à lennemi ses sommations ou
de porter ses messages. On a découvert une dizaine de lettres
dont quatre qui portent la signature autographe de Jeanne. Dautres
lettres sont mentionnées dans les archives municipales de certaines
villes.
- Les témoignages des
chroniqueurs et des contemporains de Jeanne : à lépoque
de Jeanne, les cours des grands princes disposaient dhistoriens
officiels chargés de consigner par écrit les événements.
Ce sont les Chroniques. Les actions de Jeanne sont attestées
par plusieurs chroniques, par des lettres envoyées entre marchands,
par les récits des écrivains de son temps, comme la femme
de lettre Christine de Pisan qui célébra les victoires
de Jeanne.
Il nest donc pas possible de parler de légende pour la
vie et les actions de Jeanne. Les témoignages convergent à
tel point quils donnent au personnage de Jeanne une étonnante
cohérence. Lhistorien qui dépend de ses sources
est en possession dune masse dinformations sur Jeanne qui
laissent peu déléments dans lobscurité.
La
ville d'Orléans
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2°
La France pendant la Guerre de Cent Ans.
La France à lépoque de Jeanne dArc est en piteux
état, si lon en juge daprès ce que rapporte
le chroniqueur bourguignon Georges Chastellain : " Sens dessus dessous,
scabeau des pieds des hommes, foulure des Anglais et le torchepied des
sacquemans (brigands) ! " Depuis 1338, la France est en guerre contre
lAngleterre durant ce que lon a appelé la Guerre de
Cent ans. Elle a en fait duré 115 ans (de 1338 à 1453),
la période de combats a tout de même été séparée
par de nombreuses trêves.
Au moment où Jeanne intervient en 1429, la situation na jamais
été aussi critique. En effet, la guerre est relancée,
comme souvent hélas en France, par une situation de guerre civile.
Les Français sont divisés en deux camps :
Le roi Charles VII |
- Les Bourguignons contrôlent
Paris. Leur chef, le puissant duc de Bourgogne Philippe le Bon, a choisi
lalliance avec lAngleterre. Celle-ci a envahi la Normandie
et tout le nord de la France, elle détient aussi le duché
de Guyenne. Depuis le traité de Troyes de 1420, la dynastie anglaise
est assurée de régner en France car Charles VI, qui était
devenu fou, avait déshérité son fils, le futur Charles
VII, au profit des descendants de sa fille Catherine de France qui avait
été donnée
en mariage au roi dAngleterre Henry V.
- Les Armagnacs ont pour
chef le duc Charles dOrléans qui a été capturé
par les Anglais et qui fut détenu par eux pendant 25 ans. Ce parti
soutient le dauphin Charles qui a été déshérité.
Globalement, celui que les Bourguignons appelaient avec mépris
le roi de Bourges, navait autorité que sur un quart sud-ouest
de la France, la Guyenne exceptée. La tête de pont, la porte
dentrée vers le sud-ouest était Orléans. En
mettant le siège devant la ville, les Anglais ont lintention
den finir avec le dauphin car une fois ce dernier passage sur la
Loire enlevé, il ny a plus dobstacle jusquà
Bourges. Cest dire si la situation était désespérée.
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3° Chronologie de la vie publique de Jeanne.
La vie et la mission de Jeanne sont extrêmement brèves :
elle est morte à 19 ans, ses actions publiques durent deux ans
à peine, de février 1429 au 30 mai 1431. Ces deux années
se divisent en deux périodes : une année de vie guerrière,
une année de captivité :
1. Les exploits guerriers :
1428
Durant le mois de juillet de cette année, les troupes anglaises
attaquent Vaucouleurs. Jeanne et sa famille quittent Domrémy et
se réfugient à Neufchâteau à cause de linsécurité
de la région. La place de Vaucouleurs résiste.
1429
- 12 février : défaite française à Orléans.
Le capitaine Robert de Baudricourt autorise Jeanne à partir pour
Chinon rencontrer le dauphin Charles.
- 22 février au 4 mars : voyage de Jeanne vers Chinon.
- Jusquau 11 mars : rencontre avec le dauphin.
- 11 au 24 mars : Jeanne est à Poitiers pour faire authentifier
sa mission par une commission decclésiastiques.
- Fin avril : après avoir constitué sa maison militaire,
Jeanne part pour Orléans.
- 8 mai : les Anglais, vaincus, lèvent le siège.
- 18 juin : défaite anglaise à Patay. La route du sacre
est ouverte.
- 17 juillet : sacre de Charles VII à Reims.
- De juillet à septembre : campagne de Jeanne vers Paris.
- 10 septembre : le roi ordonne dabandonner lattaque de Paris.
Larmée est dissoute.
- Novembre : prise de Saint - Pierre - Le - Moûtier mais échec
devant la Charité sur Loire.
1430
- Février et mars : Jeanne passe lhiver à Sully -
sur - Loire.
- De mars à mai : Jeanne reprend sa campagne pour Paris.
2. La période
de captivité.
- 23 mai : Jeanne est faite prisonnière sous les remparts de Compiègne
par le bourguignon Jean de Luxembourg.
- 11 juillet à début novembre : Jeanne est enfermée
au château de Beaurevoir où elle tente de sévader
en sautant dune tour. Entre temps, Jean de Luxembourg vend sa prisonnière
aux Anglais pour 10 000 livres tournois.
- De novembre à décembre : Jeanne est transférée
de Beaurevoir au château du Bouvreuil à Rouen.
1431
- janvier : enquête ordonnée par Pierre Cauchon à
Domrémy et Vaucouleurs.
- 13 février : constitution du tribunal
- Février à mars : séances du procès.
- Fin mars : rédaction de 70 articles condamnant Jeanne.
- Avril : délibérations des Docteurs. Tentative dempoisonnement.
- Début mai : menace de torture.
- 24 mai : dans le cimetière de SaintOuen, Pierre Cauchon
oblige Jeanne à abjurer. Jeanne, pour manifester sa soumission,
reprend lhabit féminin.
- 28 mai : Jeanne reprend lhabit dhomme. Pour ce seul motif,
elle est considérée comme relapse, ce qui entraîne
la condamnation à mort.
- 30 mai : Jeanne est brûlée vive sur la place du Vieux
Marché de Rouen.
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4°
Une femme chef de Guerre.
Comment une simple fille de laboureur, qui navait jamais quitté
son village, a-t-elle pu devenir un chef de guerre qui avait lestime
de ses compagnons darmes et que ses ennemis redoutaient ?
En effet, lenfance de Jeanne ne laissait jamais présager
un tel destin. Tous les témoignages convergent dans ce sens : celui
de Jeanne, lors de son procès de condamnation, est confirmé
par celui des habitants de Domrémy, sa mère, son parrain
et ses amis denfance. Jeanne est une fille très ordinaire,
qui ne se distingue en rien des autres, sauf par son intense piété
qui lui attire les moqueries des garçons de son âge. Son
amie denfance, Hauviette, raconte simplement ses souvenirs avec
Jeanne :
" Jeanne était bonne, humble et douce fille ; elle allait
souvent et volontiers à léglise et aux lieux saints
et souvent elle avait honte de ce que les gens disaient quelle allait
si dévotement à léglise (
) Elle soccupait
comme le font les autres filles, elle faisait les travaux de la maison
et filait quelquefois je lai vue -, elle gardait les troupeaux
de son père. "
Il ny a rien à chercher dextraordinaire dans lenfance
de Jeanne. Cette banalité peut irriter car on peut vouloir en savoir
plus. Lenquête ordonnée par son juge Pierre Cauchon
naurait pas manqué de révéler les moindres
faits qui auraient pu influencer Jeanne dans sa décision de partir
pour Chinon. Il nest jamais question, dans tous les documents, dune
violence qui aurait été faite à sa petite sur
Catherine. Si tel avait été le cas, les juges de Jeanne
en auraient fait état pour se retourner contre elle. Nont-ils
pas en effet demandé à Jeanne des explications sur une promesse
de mariage quelle aurait rompue ? Tout son passé avait été
épluché avec soin.
En reprenant les récits des témoins, il faut constater que
cette jeune fille en apparence si simple est animée dune
volonté farouche et dune énergie peu commune. A partir
de janvier 1429, elle tente de convaincre le capitaine de la place de
Vaucouleurs de la laisser partir rencontrer le dauphin à Chinon.
Son cousin Durand Laxart, qui avait accompagné Jeanne, témoigne
que le capitaine lui avait demandé de ramener cette fille chez
son père, après lui avoir donné une paire de gifles
! Peu importe ! Jeanne revient à la charge deux autres fois. Elle
parvient à convaincre le capitaine lorsquelle lui annonce
la défaite française de la journée des Harengs. Cette
défaite venait de se produire. La nouvelle navait pas encore
été divulguée. Cette annonce en avant-première
impressionne le capitaine qui lui donne un équipement et une escorte.
Après avoir convaincu le dauphin à Chinon, Jeanne devient
alors un authentique chef de guerre, pourvu dune maison militaire
avec un écuyer, un intendant et un héraut chargé
de porter ses messages. Le duc dAlençon, qui devint son compagnon
darmes, est ébloui par sa dextérité à
monter à cheval et à manier la lance. Il lui offre même
un cheval.
Très vite laction de Jeanne se révèle puissamment
efficace. Son armée réunie, elle part pour Orléans,
défendue par le capitaine Dunois, surnommé le bâtard
dOrléans car il est le demi-frère du duc Charles emprisonné
en Angleterre. Jeanne impose le respect et parvient, non sans mal, à
prendre le commandement. En dix jours, elle abat les positions anglaises
de lest de la ville et dégage le pont sur la Loire, au cours
de la journée des Tourelles, où elle est blessée.
Cette victoire entraîne la levée du siège car le chef
de la compagnie anglaise est mort au cours de laffrontement. Du
8 mai au 18 juin, elle reprend les citadelles et les villes du bord de
Loire. Le 18 juin, larmée de Jeanne remporte sa première
victoire en rase campagne. Depuis le début de la Guerre de Cent
Ans, les défaites de Poitiers, Crécy et Azincourt avaient
couvert de honte la chevalerie française. Patay est donc la revanche
tant attendue qui redonne confiance et ouvre en même temps la route
de Reims pour que Charles y soit sacré.
Jeanne mène la guerre dune façon toute nouvelle, à
une époque où la barbarie des combats avaient brisé
les règles de la Paix de Dieu. Certes, les ribaudes et autres filles
à soldat ne peuvent plus suivre larmée. Des prêtres
portant bannières récitent des prières et confessent
les soldats. Les compagnons de Jeanne, de rudes routiers célèbres
pour leurs rapines et leurs exactions (un des compagnons de Jeanne, Gilles
de Rais, meurt pendu pour viol et pillage) lui vouent un respect qui frôle
la vénération, ils doivent changer de murs et de langage
en sa présence.
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5°
La pureté de Jeanne.
En ces temps si rudes, ces hommes sont impressionnés par la pureté
de Jeanne. La virginité de Jeanne est une preuve de lauthenticité
de sa mission. Elle revendique son titre de Pucelle, le seul nom par lequel
ses contemporains la dénommaient. Ce terme est pour nous très
étrange, voire ridicule aujourdhui. Pourtant, par deux fois,
la virginité de Jeanne est constatée par des matrones, à
Poitiers en mars 1429 mais aussi à Rouen, le 13 janvier 1431. Pierre
Cauchon avait ordonné ce deuxième examen pour trouver un
chef daccusation contre Jeanne. En vain.
Plusieurs témoignages convergent à ce sujet. Lors de la
chevauchée de Vaucouleurs à Chinon, lescorte de Jeanne
qui a partagé ses bivouaques est impressionnée. Gobert Thibault,
un écuyer royal, témoigne : " Dans larmée,
elle était toujours avec les soldats ; jai entendu dire par
plusieurs familiers de Jeanne que jamais ils navaient eu désir
delle. "
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6° Le bon sens et lhumour.
Le bon sens de Jeanne est un autre signe de la cohérence du personnage.
Jeanne nest pas une illuminée, que ses révélations
surnaturelles éloignent de la réalité, bien au contraire.
Elle a bien les pieds sur terre. Lorsquelle fut interrogée
à Poitiers par des clercs sur sa mission, un dominicain du nom
de Seguin Seguin fut impressionné par la clarté de ses réponses,
son aplomb et sa sincérité. Il fut dailleurs surpris
par lhumour de Jeanne : " Je lui ai demandé quel langage
parlait sa voix. Elle ma répondu : " Meilleur que le
vôtre. " Moi, je parlais limousin ; et de nouveau je lui demandai
si elle croyait en Dieu ; elle répondit : " Oui, mieux que
vous. "
Plus tard, lors du procès de condamnation, les juges ont fort à
faire avec elle. Demblée, lenquête préliminaire,
que Pierre Cauchon avait ordonnée, ne permet pas de retenir contre
Jeanne un quelconque chef daccusation. Il faut alors commencer le
procès sans motif. Jeanne ne doit donc être condamnée
que sur ses propres paroles. Elle na pas davocat. Elle doit
se défendre seule et elle se défend bien, sans jamais se
contredire, en gardant une totale cohérence avec elle-même
du début jusquà la fin. Quon en juge dans linterrogatoire
du 1er mars 1431 :
"- Quel aspect avait saint Michel, quand il vous apparut ? (
)
Etait-il nu ?
- Pensez-vous que Dieu nait pas de quoi le vêtir ?
- Avait-il des cheveux ?
- Pourquoi les lui aurait-on coupés ? (
)
- Avait-il une balance ?
- Je nen sais rien (
) Jai grande joie quand je le vois
"
Quels furent donc les motifs de sa condamnation ? On tenta de la prendre
en défaut en rédigeant 70 articles mensongers qui contredisaient
Jeanne. En lui lisant ces articles, on espérait la prendre en défaut
mais elle résiste. Prenons lexemple de larticle 7 :
" Jeanne eut parfois coutume de porter une mandragore dans son sein,
espérant par ce moyen avoir une fortune prospère en richesse
et choses temporelles, affirmant quune mandragore de ce genre avait
vigueur et effet. " Le notaire a conservé dans le procès
verbal de la séance la réponse de Jeanne : " Cet article
sur la mandragore, elle le nie tout à fait. "
Les jugent essayèrent ensuite de limpressionner en lui montrant
le bourreau et la chambre de torture. Ce fut en pure perte : " Vraiment,
déclare Jeanne, si vous deviez me faire arracher les membres et
faire partir lâme du corps, je ne vous dirai autre chose ;
et si je vous en disais quelque chose, après je dirai toujours
que vous me lauriez fait dire par force. "
Il ne reste plus quun argument : lhabit dhomme. Jeanne
nest pas soumise à lEglise car elle porte un habit
qui lui est interdit. Sachant quelle est gardée dans sa prison
par trois soldats anglais, quelle porte des fers aux pieds et que,
la nuit, sa chaîne est attachée à une lourde poutre
de bois, on peut aisément comprendre que cet habit est une protection.
Le 24 mai 1431, Cauchon monte une mise en scène. Jeanne comparait
dans le cimetière de Saint-Ouen devant ses juges. Elle est sommée
dobéir à lEglise en signant une cédule
dabjuration. Si elle refuse, elle est condamnée. Jeanne se
soumet, promet de répondre au pape et de revêtir un habit
de femme. Sur la cédule où elle doit renier ses voix, elle
appose une simple croix dans un rond. Or Jeanne sait signer de son nom.
En code militaire, ce signe signifiait que lordre ne devait pas
être exécuté. Revenue dans sa prison, Jeanne revêt
lhabit féminin. Mais ses gardes, la nuit, lui dérobent
ses nouveaux vêtements et ne lui laissent que les anciens. Cauchon
trouve ce prétexte pour laccuser dêtre relapse
(de retourner dans ses erreurs) et la condamner précipitamment.
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7°
Le sens de sa mission.
Cette dernière partie pose problème au lecteur contemporain.
Une intervention divine dans lHistoire perturbe une conception rationnelle
des faits, des événements. Cependant, malgré tout
le zèle de Pierre Cauchon, Jeanne na pas pu être condamnée
parce quelle avait des voix, parce quelle était illuminée
ou déséquilibrée. Il na jamais pu réussir
à prouver une quelconque incohérence. Jeanne ne sest
jamais contredite. Alors ?
A Poitiers, Jeanne raconte sa vocation : " Quand elle gardait les
animaux, une voix sétait manifestée à elle,
qui lui dit que Dieu avait grande pitié du peuple de France et
quil fallait quelle-même, Jeanne, vînt en France.
En entendant cela elle avait commencé à pleurer ; alors
la voix lui dit quelle aille à Vaucouleurs et que là
elle trouverait un capitaine qui la conduirait sûrement en France
et auprès du roi, et quelle nait doute. Elle avait
fait ainsi et elle était venue auprès du roi sans aucun
empêchement. " Ce récit, elle la fait plusieurs
fois devant ses juges sans se contredire, malgré tous leurs pièges.
Elle refuse de renier ses voix et affirme que, même si elle meurt,
les Anglais seront chassés hors de France
" Je sais bien que ces Anglais me feront mourir, parce quils
croient après ma mort gagner le royaume de France. Mais seraient-ils
cent mille Godons de plus quils ne sont à présent,
ils nauront pas le royaume. "
Et cest bien ce qui se produisit après sa mort
Certes,
les Anglais font sacrer le jeune Henry VI dans la cathédrale de
Paris en 1432. Mais ce symbole ne rallie pas les Français et ne
donne pas la victoire. En 1435, les Armagnacs et les Bourguignons se réconcilient.
En 1436, Paris rejette les Anglais. La Normandie qui avait été
abondamment pillée se soulève en 1449 (Rouen comptait près
de 14 000 habitants au moment de la conquête anglaise, la ville
ne compte plus que 5 000 habitants après). Les Anglais sont battus
à Formigny en 1450 puis à Castillon en 1453. Ils doivent
céder le duché de Guyenne qui leur appartenait depuis Aliénor
dAquitaine
La meilleure preuve de lauthenticité
de la mission de Jeanne est bien la réalisation totale de ses prophéties.
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Epilogue
:
La journée du 30 mai 1431 sacheva de façon bien sinistre
dans la bonne ville de Rouen. Pourtant les Anglais auraient dû avoir
bien grande joie car leur pire ennemie était morte. Le bourreau
qui avait été convoqué pour la torturer dans le donjon
de Rouen rapporte ceci :
" Une fois dans le feu, elle cria plus de six fois : Jésus
! Et surtout en son dernier souffle, elle cria dune voix forte :
Jésus ! Au point que tous les assistants purent lentendre
; presque tous pleuraient de pitié. "
Un maçon qui avait effectué plusieurs travaux dans le château
où Jeanne fut emprisonnée et jugée et qui lavait
vue plusieurs fois, raconte également :
" Jai entendu dire que maître Jean Tressart, secrétaire
du roi dAngleterre, revenant du supplice de Jeanne, affligé
et gémissant, pleurait lamentablement sur ce quil avait vu
en ce lieu et disait : nous sommes tous perdus, car cest une bonne
et sainte personne qui a été brûlée ; et quil
pensait que son âme était entre les mains de Dieu et que,
quand elle était au milieu des flammes, elle avait toujours clamé
le nom du Seigneur Jésus. " Le sens profond de la vie de Jeanne
sexprime ainsi dans ses derniers instants.
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Conclusion
:
Le problème que Jeanne pose à lhistorien et à
lHistoire est le même que celui que pose Jésus de Nazareth.
En effet, Jeanne prétend de bout en bout quelle a reçu
sa mission de Dieu, quelle a obéi à ses voix, quelle
préfère mourir plutôt que de renier sa mission. Jésus
prétend être le Fils de Dieu.
Dans le cas de Jeanne, si lon refuse ce quelle dit de sa mission,
on fait delle une folle, une déséquilibrée,
un personnage falot qui a échoué et meurt brûlé
vif sur la place du Vieux Marché à Rouen.
Mais dans ce cas, on est obligé de renier les sources ,et la Jeanne
que lon présente na plus grand chose à voir
avec celle qui se détache des témoignages. On intente alors
à Jeanne un second procès, ce qui est stupide puisquelle
a déjà été jugée. Cest ce que
fait le film de Luc Besson, à grand renfort de dollars. Cest
limage de Jeanne que le pouvoir cinématographique est en
train de diffuser largement dans le village planétaire. A bien
des égards, cette image est intolérable car elle est fausse.
Cest le cas de dire que, plus que toutes les affabulations, lhistoire
est la plus belle et la plus vraie.
Pour en savoir plus :
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