Etrange
voyage, Paris-Belfast. Communauté Européenne ? Oui certes,
mais jai du montrer mon passeport trois fois pour embarquer dans
lavion de Londres, et le montrer encore à Londres à
lImmigration, avant de changer davion. Il est vrai que dans
« lespace Schengen, cest pratiquement la même
chose. Ajouter le bain de pieds (chaussés) dans le désinfectant,
afin déviter de transporter la « fiève aftreuse
». Dans la nuit, deux Irlandais du Nord, catholiques, un vieux
Frère de la Congrégation de la Présentation ( écoles),
et un père de famille ancien Directeur décole. memmènent
en voiture. Nous allons à lintérieur du Pays, non
loin dArmagh, le siège Archiépiscopal de saint Patrick,
à 80 kilomètres à louest de Belfast.
Dungannon, mexpliquent ils,
est une ville de 20.000 habitants, environ 60% de Protestants et le
reste de Catholiques. Une seule « Paroisse », avec une grande
église, « Saint Patrick » naturellement, et quatre
chapelles dans les villages et faubourgs. Quant à la situationpolitique
actuellement, « il y a encore des incidents, mais cest la
paix, et elle progresse ». Heureux pays quand la presse internationale
ne parlera plus de toi ! Mais à lintérieur des curs,
le chemin est encore long.
Une
Mission. Par qui ?
« The School of
Mission de Rome est lacteur principal de cette mission.
Cest une école internationale de mission, anglophone, créée
sous le patronage du Conseil Pontifical des Laïcs il y a trois
ans. Elle est animée par la Cté Emmanuel. Cette année
ils sont vingt jeunes, garçons et filles déjà diplômés,
qui ont décider de consacrer un an à évangéliser
et à se former comme responsables laïcs. Ils sont de France(6),
Irlande (2), Indonésie (2), Slovénie, Australie, Autriche,
Philippines, Belgique, Allemagne, Colombie, Inde, Angleterre, Pays Bas.
Les ont rejoint à Dungannon un certain nombre d Irlandais
du Sud, et de Français, jeunes professionnels et quelques plus
anciens, qui ont pris quatre jours ou une semaine. Au total une centaine
de volontaires laïcs et dix prêtres seront venus pour cette
mission qui sest étendue sur trois semaines.
Pourquoi
?
Au départ,
cest un jeune ménage Irlandais habitant à Dungannon,
membre de la Communauté Emmanuel, qui avaient invité un
groupe de jeunes en vacances en Irlande lété dernier
à passer par chez eux. Après la messe, il y a avait eu
une présentation aux paroissiens et quelques témoignages.
De cette rencontre spontanée et remplie dune espérance
nouvelle est né le projet dune « mission »
avec lEcole, qui fut longuement préparée.
Ce ne sont pas que les pratiquants
manquent à Dungannon : on est Catholique de père en fils,
et il faut le montrer , face à lautre communauté.
Bonne volonté et pratique ne sont pas toujours suffisants pour
une rencontre personnelle avec le Dieu vivant. Dailleurs, les
enfants, quand ils sen vont étudier dans les grandes villes
étudiants, ont du mal à persévérer. Face
à une pratique un peu austère, les jeunes missionnaires
avec leurs prêtres apportent la dimension de lamour de Dieu,
de la relation personnelle au Dieu vivant : « Autrefois, pendant
la mission, on nous parlait de lenfer ; vous, vous nous parlez
de lamour de Dieu », remarque un ancien.
Cest le même aspect
que me soulignent le mari et la femme (la soixantaine) qui me reçoivent
: Angela a été il y a trente ans très engagée
dans le mouvement pacifique pour les droits ; elle a subi menaces et
attentats. Avec Thomas son mari, ils ont élevé quatre
enfants dont trois sont mariés et parents. Le quatrième
est très handicapé physiquement et moralement, ils le
soignent avec beaucoup damour. « Cest au cours dun
week end des Cursillos que nous avons découvert que Dieu est
amour. Cela a complètement transformé notre religion et
notre vie ».
Une
attente
Pour Angela
et Thomas, cette mission est bien accueillie parmi les habitants. Dun
côté, les anciens sont un peu perplexes : que va-t-il se
passer ? Mais pour les plus jeunes, il y a un désir que quelque
chose arrive. Un chiffre qui témoigne : lorsquon a demandé
qui accepterait de loger les missionnaires, 1.500 offres ont été
faites.
Comment
?
Les deux premières
semaines ont été consacrées principalement aux
écoles, les écoles catholiques surtout, et une école
mixte protestants- catholiques ouverte récemment. Voici le témoignage
d une écolière qui a écrit le soir dune
rencontre de mission dans son école : « je suis allée
à la réunion pour éviter daller en classe,
mais grâce à vous jai découvert que Dieu était
là pour moi ; et quil mavait faite de la façon
que je suis parce que cétait beau
Jétais
en train dabandonner la foi, mais la voici qui est revenue plus
forte que jamais. Ce soir je suis allée chercher la Bible pour
enfants que mavait donnée mon frère il y a trois
ans ; elle était couverte de poussière quand je lai
ouverte. Je me suis mise à la lire, et jy trouve tant de
choses pour maider dans ma vie
J ai décidé
de lire lévangile, et dapprendre à le comprendre.»
Dimanche, les églises sont
pleines à toutes les messes. A Saint Patrick, une équipe
de télévision filme la messe des jeunes, ce sera pour
une émission pendant la semaine sainte. Le producteur est un
homme du pays qui a été touché par lévénement..
Le soir, ils filment également la comédie musicale présentée
par les jeunes de lécole dans un pub (pour la quatrième
fois). « Le Puits de Jacob », cette comédie très
vive, et chantée avec entrain, a été créée
à Rome par le jeune prêtre allemand de lEcole, et
jouée pour la première fois Place Navone pendant les JMJ
lété dernier.
Les visites et rencontres
personnelles occupent les matinées et une partie des après
midi.
Voici par exemple ce qui sest passé avec un grand père
: il était très fermé, fâché même
vis à vis de Dieu à cause, expliqua-t-il, de la mort accidentelle
dun petit fils à lâge de cinq ans. Cet enfant
accueilli par la famille dans des circonstances difficiles nen
était que dautant olus aimé. Les missionnaires lont
écouté le grand père raconter sa souffrance, ont
parlé avec lui, et spécialement lont aidé
à se poser la question : « où est lenfant
maintenant ? Nest il pas heureux au ciel ? ». Puis ils lui
ont offert de prier pour lui, ce quil a volontiers accepté,
avec sa femme et un ami présent au moment de la visite. Lorsquils
ont quitté la maison, le visage de lhomme était
transformé. Le soir, il est retourné à léglise
pour la première fois depuis longtemps.
«
Maison ouverte » et « Rencontres-discussion »
Chaque jour de nombreuses
équipes visitent les maisons. Mais aussi des rencontres sont
offertes par des volontaires qui ouvrent leur maison à leurs
voisins et amis pour parler, et prier avec les missionnaires. Ce sont
les réunions « open house ». Dix grandes réunions
à thème ont lieu le soir dans trois des églises
et chapelles : la famille, les souffrances de la vie, « seulement
pour hommes », le pardon. Sur ce thème, la soirée
est animée par Jean Marie, un rescapé des massacres du
Rwanda qui lui même a animé de nombreuses réunions
de pardon dans son pays. Ces grandes réunions sappellent
« talk show », selon une formule de la télé.
Selon les cas, petit à petit les hommes et les femmes dépassent
leur timidité et acceptent de poser leur questions ou dintervenir
au micro devant leurs voisins. De réunion en réunion,
apparaissent des têtes connues qui deviennent parfois eux même
des membres actifs de la mission.
Une équipe de trois
jeunes et dun prêtre Portugais visitent les Portugais. Comment
les découvrent ils dans la ville ? Dans la rue ou dans les pub,
léquipe parle Portugais et parfois des compatriotes, étonnés
se manifestent. Aussitôt ils prennent rendez vous pour les visiter,
et on leur indique dautres personnes à voir. Ces Portugais
se sont fait une idée assez terrifiante de la situation politique
et ont très peur dêtre identifiés comme Catholiques.
Quand ils vont à lEglise, ils essaient de se faire passer
pour des touristes, par exemple en portant ostensiblement un appareil
photo. Les entretiens avec les missionnaires sont un pas vers un apaisement
de la peur, et une reprise de la vie de foi.
La
Paix avance
Lorsque nous interrogeons
les gens sur la situation, il se confirme que la pacification est en
bonne voie. Dans une rue où les bombes éclataient régulièrement,
aujourdhui tout est calme. Les gens ont repris le chemin des pubs,
certes encore soigneusement identifiés selon leur appartenance
à telle ou telle catégorie. Il y a encore quelques incidents
dans le pays, mais peu nombreux. « Les gens en ont assez ».
Les aides de la CEE ont relancé léconomie, mais
à Dungannon, il y a du chômage.
Le grand problème actuel,
cest la fièvre aphteuse. Avant hier, on annonçait
un premier cas dans la région, et cétait linquiétude
générale. A la fin de la messe de la mission, à
huit heures du soir, le prêtre, Yves de Boisredon, curé
de La Trinité à Paris, faisait faire un prière
pour que le danger soit écarté. Ce ne fut pas une mince
joie hier matin dapprendre que le cas qui avait mis toute la ville
dans linquiétude sétait avéré
négatif.
Lévangile
dans les bars
Nous avons raconté
plus haut cette comédie musicale jouée dans la salle de
danse dun pub. Hier soir , dans le bar même, cétait
une rencontre « seulement pour hommes ». Une quinzaine dhommes
autour du feu buvaient de la « guiness », ou quelquautre
bière en regardant sur un grand écran le match Manchester-Gratz.
Ensuite, nous avons eu une soirée témoignages-discussion
sur la vie chrétienne, le travail, la famille et lidentité
chrétienne. Léchange, dabord timide est devenu
peu à peu animé et très profond. Steve Laurence,
ancien joueur professionnel de football australien, aujourdhui
responsable de lEcole de Mission de Rome donne son témoignage
. Plusieurs Irlandais interviennent . Lun deux fait part
de sa découverte que lon puisse être chrétien
plus quen manifestant sa participation identitaire à une
communauté. Au cours des conversations ce soir là naît
quelque chose qui va donner ses fruits par la suite. « Comment
devenir un chrétien comme vous », dit à un jeune
missionnaire un habitant de Dungannon. A la représentation de
la comédie musicale aujourdhui, dans lécole
mixte Protestants Catholiques, il est venu trois fois plus de monde
que la première fois. Quelque chose se passe de nouveau dans
la cité des clans, dans la cité de la peur.
Le lendemain, cest dans un
centre dhandicapés que les jeunes sont allés jouer
et chanter leur comédie. Au cours des visites de maison, un homme
ouvre la porte ; il vient dapprendre le décès de
son frère. On lui propose de prier ensemble pour celui qui vient
dentrer dans léternité, et pour celui qui
est dans la peine. Plus loin, ce sont des Témoins de Jéhova
qui sonnent sur les pas des missionnaires ; un peu étonnés
les TJ . On engage la conversation avec eux, et le vieux curé
Breton qui fait partie de l équipe leur propose de dire
le Notre Père avec les missionnaires. Chose faite, les témoins
de Jéhova posent la question : quest que le « Royaume
de Dieu pour vous ? ». Le prêtre Breton réponds :
« la vie dans lamour avec Dieu. Cest le but de toute
notre vie. Dieu est amour, et il nous propose de partager sa vie, pour
toujours ».
Le samedi 17 mars, cest
la Saint Patrick, et lon avait prévu pour le Dimanche une
grand messe dans le parc de Dungannon. Le temps ne le permettra pas,
mais le samedi après midi, ils seront 800 à assister dans
le Centre de loisirs, à la représentation des deux comédies
musicales, « the Jobs well » et « Joshua »,
par les élèves protestants-catholiques ». «
Un événement incroyable dont je remercie le Seigneur »,
déclara le Curé de St Patrick. Diamnche, en raison du
temps, les messes de clôture furent célébrées
à des heures différentes dans les chapelles et dans léglise
principale, elle même doublée par un transmission vidéo
dans le Centre de Loisirs. Le Cardinal Daly, Archevêque de Dublin,
et l Archevêque dArmagh ( le siège de saint
Patrick, en Irlande du Nord),primat dIrlande président
la messe.
Cest sur une évocation
du ciel que je veux terminer mes notes sur la grande mission dIrlande
du Nord. Que va-t-il se passer ensuite ? Des graines ont été
semées, certaines seront emportées par le vent ; bien
peu risquent dans le climat humide de la verte Eirin de se dessécher
Après le catholicisme identitaire, cest le temps dun
choix personnel pour le Dieu vivant. Les missionnaires ont donné
le témoignage dune rencontre personnelle avec Jésus,
et quelque chose de plus personnel et confiant a commencé à
souffler dans le comté de Tyrone. Dans quelques mois commenceront
des week ends pour couples et des pèlerinages de jeunes. Dans
léglise de Saint Patrick une jeune Irlandaise dune
voix merveilleuse chante lespérance et la bonté
de Dieu. Cest un cantique en gaélique qui a traversé
les siècles et les persécutions, les guerres civiles et
les tiédeurs de la foi. Et dans ces paroles dune langue
inconnue on croirait voir souvrir les portes du Paradis.
Hervé
Catta
Témoignage
de Virginie , Virginie est une jeune cadre parisienne. Elle
a participé à la mission pendant une semaine.
La
mission est partout! Dungannon, destination inconnue, Irlande du Nord
« Est ce que nous avons noyé le trèfle ( de St Patrick,
dans lalcool, expression locale), ou bien est ce que le trèfle
nous a noyés ? »
Cela paraissait défoncer des portes
ouvertes... que dévangéliser en Irlande ! Justement,
le thème de la mission est : « Ouvrir les portes au Christ
».
En arrivant à Dungannon, j'ai été
trés touchée par l'accueil des habitants. Nous logions
chacun dans une famille, qui faisait des allers retours incessants pour
nous amener sur les lieux, nous ramener chez eux pour le tea etc...
La mission avait commencé depuis
2 semaines quand je suis arrivée, et la 3° semaine était
dédiée aux paroissiens adultes, avec visites des maisons,
soirées à l'église St Patrick ou bien 'talk shows'
dans les églises et salles de fêtes des environs. Les visites
m'ont beaucoup touchées, car nous étions vraiment accueillis
comme des princes, chaque discussion commençait par les nouvelles
de chacun, comment la mission était perçue , ... et puis
on proposait au personnes de prier avec elles.. et là chacun
s'ouvrait de façon très sincère. Si certains ne
pratiquaient que rarement c'était souvent parce que leur vie
avait été assez cruelle, il est vrai que chaque famille
avait connu plusieurs morts tragiques, soit assassinat, soit explosion,
soit encore cancer chez des personnes très jeunes...On sent bien
qu'ils ne sont pas encore sortis de la peur des conflits passés.
Pourtant ce qui m'a touché, c'était
le sourire et la bonne humeur de beaucoup d'Irlandais qui ont souffert
les pires horreurs. Je croyais que leur foi et leur pratique religieuse
était surtout culturelle et faite dhabitude, et je me suis
aperçue que leur attachement à Dieu était incroyable.
La mère de famille chez qui je logeait avait perdu son mari qui
s'était suicidé ; elle reste avec 5 enfants dont 3 en
bas âge). Elle était toujours souriante, pour moi c'est
un véritable enseignement. En effet j'aurai tendance à
m'inquiéter de mes petits problèmes de façon un
peu exagérée, les problèmes de 'nombril' comme
diraient certains.
Et cette mission m'a ouvert les yeux sur la
réalité des choses. Je pense que le Seigneur m'a montré
que mes petits problèmes ne devaient en rien m'arrêter,
car j'ai vu tous ces Irlandais qui continuent a avancer dans la vie
avec le Seigneur malgré toutes les atrocités qu'ils ont
vécues.
L'avant dernier soir de la mission, il y a eut
une soirée Effusion de l'Esprit, et nous avons vu la puissance
du Seigneur, c'était limite miraculeux, on a vu les Irlandais
ordinairement timides, et très réservés quant à
leur foi, s'avancer autour de l'autel, se mettre la main sur l'épaule
pour chanter un Veni Creator, et remettre leur vie à Dieu. Et
ce n'était pas tout, à la suite de cela, nous sommes tous
resté une bonne demi heure pour parler ensemble, dans l'église
(chose qui ne se fait jamais) ,de la mission, de la foi, des merveilles
que fait le Seigneur, etc.... Alors que le soir de la St Patrick, les
Irlandais sont habituellement dans les pubs, du jamais vu : l'église
était remplie en majorité d'hommes !
Entre les missionnaires, l'ambiance était
extraordinaire ; il faut dire que les gens de Dungannon nous accueillaient
tous les matins au centre de réunion sous léglise
saint Patrick - par des centaines de scones, tartinées et confiturées
; à midi , nous nous retouvions dans le club de « Snooker
» (billard), où un repas chaud nous attendait, enfin le
soir dans les pubs, les Irlandais n'arrêtaient pas de nous 'arroser'.
Les habitants de Dungannon nous ont dit clairement
que pour eux la vie ne serait plus pareille après le passage
de la mission, mais je pense que pour moi non plus ce ne sera plus pareil.
Le Seigneur nous fait beaucoup de cadeaux pendant cette mission. Certes
jai beaucoup reçu de la joie et de la fraternité
vécue entre les missionaires. Mais surtout, jai vu. Jai
vu toutes ces beautés que Dieu a faites dans la vie des personnes
à qui nous avons présenté Sa Parole, Son Espérance
et Sa Joie.
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