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Hommage au cœur d’un petit roi martyr

 

    Le cœur momifié du petit roi Louis XVII, récemment authentifié grâce aux démarches de l’historien Philippe Delorme, fera l’objet de cérémonies religieuses les 7 et 8 juin à Paris et Saint-Denis.
    

    propos recueillis par Frédéric AIMARD dans l'hebdomadaire France Catholique

     Philippe Delorme, ce 8 juin, en présence de nombreuses personnalités et, probablement, d’une grande foule de Français de toutes conditions, le cœur de Louis XVII sera officiellement déposé dans la crypte de la basilique de Saint-Denis, l'ancienne nécropole des rois de France. C'est un peu la consécration de votre travail.

    Je ne suis pas le seul, ni le premier, à m'être penché sur le "mystère Louis XVII" ! Plus de 800 livres, des milliers d'articles lui ont été consacrés, depuis deux siècles. Mais les historiens "sérieux" qui avaient étudié la question se comptent sur les doigts d'une seule main. C'est en 1995, pour le bicentenaire de la mort de l'Enfant du Temple, que j'ai publié sa biographie.(1) Cette étude, menée sans a priori, m'a conduit à estimer que le fils de Louis XVI et Marie-Antoinette était bien mort en 1795, comme l'enseignait l'histoire officielle. C'est ensuite que j'ai pris contact avec le duc de Bauffremont, président du Mémorial de France à Saint-Denys, pour lui proposer de faire une analyse ADN du cœur dont il était le détenteur...
    Mais justement. Est-on sûr de la provenance de ce cœur ?

   Vous avez raison de soulever ce problème. Les analyses génétiques, réalisées en avril 2000 par les laboratoires de Louvain et de Muenster établissent que ce cœur est celui d'un enfant apparenté par les femmes à Marie-Antoinette. Elles ne peuvent rien affirmer de plus. C'est à l'historien d'apporter la preuve qu'il s'agit effectivement du cœur prélevé par le docteur Philippe-Jean Pelletan, le 9 juin 1795, sur l'enfant mort au Temple. Ces deux informations conjointes permettent alors de conclure. Car, si l'enfant mort au Temple était apparenté à Marie-Antoinette, il ne pouvait être que Louis XVII.
    Précisons d'emblée que mon enquête - conduite selon les règles méthodologiques les plus rigoureuses - a démontré qu'à aucun moment n'apparaît la possibilité d'un échange ou d'une substitution du "cœur Pelletan". A chaque étape de son "odyssée", depuis la tour du Temple jusqu'à la crypte de Saint-Denis, ce précieux viscère a fait l'objet de procès-verbaux officiels, de certificats d'authenticité, de déclarations sur l'honneur et d'actes notariés, que j'ai publiés in extenso. (2)

    On dit parfois que ce cœur pourrait être celui du frère aîné de Louis XVII, le premier dauphin Louis-Joseph, mort en 1789...

    Bien sûr ! C'est l'objection ultime, la dernière "planche de salut" des "survivantistes" ! Elle me surprend d'autant moins que je suis le premier à l'avoir formulée, dans mon ouvrage, pour aussitôt la réfuter. Beaucoup d'arguments s'opposent à cette hypothèse. L'enquête historique ne montre à aucun moment la possibilité d'un échange. Au contraire, à chaque étape de son odyssée, le cœur prélevé par Pelletan est reconnu officiellement et sous serment par de très nombreux témoins dignes de foi.
    En imaginant une volonté de falsification, il aurait fallu que le faussaire du XIXe ou - moins probablement - du XXe siècle, ait eu la prescience qu'une technique génétique, inventée vers 1980, permettrait de confondre les cœurs de deux frères. Et donc qu'il choisisse son cœur de remplacement en fonction de cette exigence imprévisible. On voit bien que c'est absurde.
    En outre, il aurait fallu que le cœur du frère aîné de Louis XVII, Louis Joseph, soit disponible. Or, celui-ci a été profané en 1793 avec les autres cœurs royaux du Val-de-Grâce. Il réapparaît fugacement en 1817, entre les mains du maire du XIIe arrondissement de Paris - actuel Ve. Depuis nous ne savons pas ce qu'il est devenu. Mais il est fort improbable qu'il ait justement été récupéré par Pelletan ou ses héritiers, pour servir à une mystification dont on perçoit mal les finalités.
    Enfin et surtout, il aurait fallu que le cœur de Louis-Joseph présente un aspect semblable à celui de Louis XVII, pour que la substitution passe inaperçue. Or, Pelletan s'est contenté de "soustraire" le cœur sur le cadavre du Temple, et de le placer dans un bocal rempli d'alcool, comme une vulgaire curiosité anatomique. Le cœur s'est ensuite pétrifié, après évaporation du liquide. En revanche, les cœurs princiers conservés au Val-de-Grâce - ou en d'autres églises d'ailleurs - étaient embaumés : c'est-à-dire ouverts, lavés, remplis d'aromates et enfermés dans des bandelettes ou des petits sacs de toile. On m'objecte parfois qu'on ne possède que le procès-verbal d'autopsie de Louis-Joseph, mais l'embaumement était de tradition, et nécessaire lorsque l'on sait que le corps a été exposé pendant une semaine, en plein mois de juin. D'ailleurs, l'ambassadeur d'Espagne Fernan Nuñez confirme :
"Aujourd'hui, on l'a embaumé et il restera exposé à Meudon jusqu'à samedi dans ce qu'on appelle ici la chapelle ardente." Quant au cœur, préparé selon les rites ancestraux, il a été déposé dans une double boîte de plomb et de vermeil. C'est le duc de Chartres, futur Louis-Philippe Ier, qui le portera au Val-de-Grâce, comme il le rapporte dans ses Mémoires. Quatre ans plus tard, les cœurs du Val-de-Grâce seront profanés, à l'instar des tombes royales de Saint-Denis. "Les cœurs des tyrans embaumés et déposés au Val-de-Grâce, déjà gisent pêle-mêle sur le pavé de la chapelle funèbre qui les renfermait, et dépouillés de leurs enveloppes d'argent et d'or", peut-on lire dans un journal révolutionnaire.
    L'ensemble de ces éléments, difficilement réfutables, me permet donc d'affirmer avec une quasi-certitude que Louis XVII est bien mort au Temple en juin 1795.

    Comment se dérouleront les cérémonies de ce 8 juin 2004 ? Elles commenceront la veille, lundi 7 juin, par une exposition du cœur dans l'église parisienne de Saint-Germain l'Auxerrois, à Paris, l'ancienne paroisse du Louvre. Une messe de requiem sera dite à 18 heures par le curé, l'abbé Dominique Cordier. Le lendemain, mardi 8, une grande messe "en blanc" - en signe d'espérance - se déroulera dans la basilique de Saint-Denis. Elle sera présidée par le cardinal Jean Honoré, archevêque honoraire de Tours, et en présence du nonce apostolique en France, Mgr Fortunato Baldelli. A 15 heures, le cœur sera solennellement déposé dans la crypte, porté par le jeune prince Amaury de Bourbon-Parme, et entouré par de nombreux descendants de Louis XIV. Bien entendu, toutes ces cérémonies religieuses sont ouvertes au public. A mon sens, le personnage de Louis XVII devrait réunir tous les Français...

    De quelle manière ?

    Les rois sont avant tout des symboles - c'est-à-dire, selon l'étymologie grecque, des "rassembleurs". Dans la longue galerie de nos souverains, Louis XVII occupe une place particulière. Il est le symbole de l'enfance persécutée. Il a été emprisonné à l'âge de 7 ans pour mourir trois ans plus tard. On l'a arraché à ses parents, qui ensuite ont été exécutés. On l'a soumis à un véritable "lavage de cerveau" afin de le transformer en petit sans-culotte. Malade, on l'a laissé sans soin, enfermé dans une pièce obscure. Il a succombé finalement dans la solitude et la déréliction. En notre siècle si sensible aux malheurs des plus jeunes, la figure de Louis XVII pourrait devenir celle de l'innocence souffrante.

(1) Ph. Delorme, L'Affaire Louis XVII, éd. Tallandier.
(2) Ph, Delorme, Louis XVII la vérité, Ed. Pygmalion.

 

Pour en savoir plus :

Internet :

- Le site de Philippe Delorme : http://www.chez.com/louis17/
- Le Journal hebdomadaire  France Catholique : http://www.france-catholique.fr

 


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