3 Icône ou représentation ? par le Cardinal Lustiger. Lors d'une rencontre le 20 février avec les journalistes, lors de la visite ad limina des évêques de la région d Île de France, le cardinal Lustiger a refusé de prendre parti sur le film de Mel Gibson "La Passion". Mais il a dit avoir un point de vue "très personnel" sur le rapport entre les récits évangéliques et leurs représentations : "Je suis très réservé sur toute théâtralisation de la Passion, même si je comprends que cela puisse se faire, et encore plus sur son expression par l'image électronique ou chimique". "Comme Chrétiens, nous vivons dans le domaine du sacrement. A chaque Eucharistie c¹est tout le mystère de la Passion et de la Résurrection qui nous est donné: il ne nous est pas donné sous la forme d'un spectacle que l'on regarde, mais sous la forme d'un acte de la puissance divine qui se communique. La figuration peut-être une régression absolue. Cela touche beaucoup l'affectivité, l'imagination, mais c'est très ambigu. Je ne dis pas que cela est "mal". Je laisse la liberté à chacun, mais je préfère une icône à la photographie d¹un acteur qui joue le Christ, et je préfère encore le sacrement à l¹icône. Cela m'est plus utile pour la prière et je pense que c'est plus utile pour le peuple chrétien aussi". 4 Un acteur parle, Abel Jafri Abel Jafri, seul comédien français du film, raconte l'ambiance sur le tournage :
"C'était vraiment comme chez les premiers chrétiens" "J'avais rencontré la directrice de casting de Gibson, Sheila Rubin, dans un festival. En juillet 2002, elle m'a appelé : "Mel veut vous voir pour son casting à Rome." Il a été chaleureux, il pensait à moi pour un apôtre, puis m'a confié le rôle du chef des gardiens du Temple, qui arrête Jésus sur dénonciation de Judas, le traîne au bout d'une corde. On a parlé, j'étais comme son confident sur ce film, sympathisant avec sa passion pour le désert. "La préparation du tournage a été intense : pendant six mois, des cours d'araméen, avec les deux meilleurs spécialistes de cette langue morte, ou de latin, suivant les rôles. Et aussi des lectures des textes religieux, des cours de théologie. Le plus impressionnant fut la lecture collective en araméen et en latin par une cinquantaine de comédiens, quelques semaines avant le tournage, du scénario dans un des studios de Cinecitta. Gibson voulait absolument tourner dans le studio 5, celui de Fellini. On était dans l'ambiance du film ; on a aussi visité des basiliques romaines sous la conduite de Gibson et de ses conseillers religieux. "Quelque chose s'est passé sur le tournage : il n'y avait pas de stars, les comédiens, pluriethniques, venaient de partout, toutes les religions étaient là. On parlait en araméen ou en latin, on était en costume, le plateau était bouclé, le Christ était sans cesse parmi nous, en larmes, en sang : c'était vraiment comme chez les premiers chrétiens. Tous les matins, on passait aux costumes et au maquillage à 6 heures, puis c'était la messe, à 7 heures, dite en alternance par trois prêtres, soit en français, soit en anglais, soit en latin ; à 8 heures, on répétait tandis que les techniciens préparaient les quatre caméras. Il y avait 300 personnes en permanence sur le plateau. "Ça a commencé en novembre 2002 à Matera, dans le sud de l'Italie, par la crucifixion. Six semaines de tournage. Puis à Cinecitta, pour douze semaines. C'était dur physiquement, éprouvant. Comme je traînais Jim (Caviezel, qui joue le Christ, ndlr) tout le temps, je recevais des pierres et des coups pendant les scènes violentes. J'ai dû passer quatre ou cinq fois par l'infirmerie. Gibson était totalement imprégné, passionné, entouré de conseillers religieux. Il aimait les moments les plus vrais, avec de la tension et de l'énergie. "J'ai évidemment été surpris par la polémique qui accueille le film. Gibson est un homme intelligent, cultivé, très anti-Bush, même en pleine guerre en Irak. Jamais je n'ai eu l'impression de tourner un film antisémite..." h.Catta Suite >> : |