Sommaire

 

Q U E S T I O N S. D E. F E M M E S



I. Vie

Edith STEIN naît en 1891 à Breslau, en Allemagne, d'une famille juive. C'était le jour même du Yom Kippour, le jour du Grand Pardon (ou des Expiations), l'un des sommets de l'année liturgique juive : coïncidence que sa mère gardera toujours en mémoire. A deux ans, elle perd son père. Sa mère l'éduquera dans une grande droiture morale, et dans la fidélité à la foi de ses pères. Edith va garder toute sa vie l'exigence intérieure reçue de sa famille, mais va perdre pour un temps la foi.

A quinze ans, elle prend librement la décision de ne plus prier. Il ne s'agit pas d'une simple révolte adolescente ; c'est plutôt le signe d'une recherche intense de la vérité. Plus tard, elle dira de cette période : "Ma recherche de la vérité était mon unique prière". "Consciemment ou inconsciemment, qui cherche la vérité cherche Dieu".

Elle se lance dans des études de psychologie, de littérature, de philosophie. Elle fait partie des premières femmes admises à suivre des cours àl'université en Allemagne. Docteur en philosophie à 25 ans, elle devient l'assistante d'un grand philosophe, Edmund Husserl. Elle côtoie des hommes remarquables, la plupart chrétiens , et découvre à travers eux, comme elle le dira elle-même, "un monde qui jusque là m'était totalement inconnu, l'univers de la foi".

Un épisode surtout va la marquer profondément. Un de ses amis philosophes, Adolf Reinach, meurt en 1917. La jeune veuve lui demande de l'aider à ranger les papiers de son mari. Edith redoute la rencontre avec cette femme et sa souffrance. Elle y va cependant, et elle trouve quelqu'un remplie d'une force et d'une dignité inexplicable. Elle dira : "Ce fut ma première rencontre avec la Croix, avec la force divine qu'elle confère à ceux qui la portent. Et à l'instant même mon incrédulité céda, tandis que la lumière du Christ se levait dans mon coeur : le Christ dans le mystère de la Croix".

Quelque temps plus tard, chez une amie, elle dévore la "Vie" de Sainte Thérèse d'Avila en une nuit. Au petit matin, elle déclare : "Voilà la vérité". Son baptême est décidé, malgré l'incompréhension douloureuse de ceux qu'elle aime, spécialement sa mère. Elle est baptisée le 1er janvier 1922. A cette époque on ne célébrait pas encore ce jour là Sainte Marie, Mère de Dieu, mais la fête de la Circoncision du Seigneur. Elle est confirmée le 2 février de la même année, jour de la Présentation de Jésus au Temple. A partir de là, elle commence une carrière d'enseignante, à Speyer (Spire) d'abord, puis à Münster. On la demande de plus en plus, pour des tournées de conférence sur la condition féminine, sur l'éthique sociale ou la philosophie.

A l'avènement du National Socialisme, en 1933, elle est interdite d'enseignement du fait de son identité juive. C'est alors qu'elle réalise la vocation qui a mûri en elle au cours de ces années : elle entre au Carmel de Cologne. C'était en la Vigile de Sainte Thérèse d'Avila, le 14 octobre 1933. Elle y prend l'habit en avril 34, et choisit le nom de Thérèse Bénédicte de la Croix, ce qui signifie littéralement "Thérèse bénie par la Croix".

Pour elle, entrer au couvent, ce n'est pas se soustraire au sort de son peuple et des siens, mais au contraire combattre auprès d'eux en première ligne. Elle écrit : "Je crois que le Seigneur a pris ma vie pour tous (les juifs). Je ne peux m'empêcher de penser à la reine Esther qui fut enlevée à son peuple justement pour aller le défendre devant un roi. Je suis une petite Esther très pauvre et très impuissante, mais le Roi qui m'a choisie est infiniment grand et miséricordieux."

Le 9 novembre 1938, c'est la "Nuit de cristal". Répondant au geste désespéré d'un jeune Juif Français qui avait tiré sur le conseiller de l'ambassade d'Allemagne à Paris, de nombreux saccages et incendies de synagogues et de magasins juifs ont lieu dans la nuit. Cette date marque une progression décisive dans la répression antisémite. Le 31 décembre 1938, Sr Thérèse Bénédicte est transférée au Carmel d'Echt, en Hollande. Elle y écrit son dernier livre "La Science de la Croix", qui demeurera inachevé.

Au début de l'année 1942, la "solution finale", c'est-à-dire l'extermination programmée et systématique des membres du peuple juif, est décidée par les autorités nazi. En juillet de la même année, les évêques des Pays-Bas protestent publiquement, malgré les menaces, contre les rafles et les déportations massives des juifs de leur pays. La réaction ne se fait pas attendre : le 2 août, de nombreux Juifs chrétiens sont également arrêtés. Edith et sa soeur Rosa, qui est elle aussi devenue catholique , sont arrêtées au Carmel d'Echt. A la possibilité qui lui avait été offerte de sauver sa vie, elle avait répondu : "Ne le faites pas ! Pourquoi devrait-on faire pour moi une exception? Il est tout – fait juste de ne pas tirer avantage de mon baptême. Si je ne peux pas partager le sort de mes frères et s oeurs, dans un certain sens ma vie est détruite".

Edith et sa soeur sont emmenées successivement dans deux camps de transit, puis, le 7 août, cadenassées dans les horribles wagons blindés se dirigeant vers Auschwitz. Elles y arrivent le 9 août, et y sont achevées le jour même. Les derniers témoignages, provenant de rescapés des camps de transit, parlent d'elle comme rayonnante d'une étonnante sérénité, réconfortant ses compagnes et prenant soin des enfants abandonnés.


II. Message


Quel message Edith STEIN nous adresse-t-elle par sa vie et ses paroles ? Il me semble qu'elle nous communique trois secrets de sainteté.

Le premier consiste à aller jusqu'au bout de notre désir et de notre recherche personnelle, en mobilisant pour cela toutes nos facultés, tous les dons que nous avons reçus. Cela veut dire devenir nous-mêmes, développer notre intelligence et notre liberté. On peut dire que les saints sont les plus personnels qui soient, ceux qui sont allés jusqu'au bout de leur être en ce qu'il a d'unique. Pour Edith STEIN, le désir profond qui l'animait était la recherche passionnée de la vérité, mais d'une vérité unie à l'amour. Déjà adolescente, elle avait compris en effet qu'il était "bien plus important d'être bon que d'être savant".

Le deuxième secret, c'est que la sainteté n'est pas au bout de nos efforts. Elle progresse en même temps que notre connaissance de Dieu. Pour Edith STEIN, une étape décisive a été franchie lorsqu'elle a rencontré, au travers de son amie veuve, le Dieu qui ressuscite les morts, celui qui fait resplendir sa gloire dans la Croix. Pour nous également, ce sera de découvrir, dans la prière, le vrai visage de Dieu, qui fera de nous des saints.

Enfin, le troisième secret que nous transmet Edith STEIN, c'est que la sainteté (c'est-à-dire le baptême vécu dans toute sa radicalité) conduit à une profonde solidarité les uns avec les autres. Dans une prière, elle dit au Seigneur "que c'est Sa Croix qui a été mise aujourd'hui sur les épaules du peuple juif", et que tous ceux qui comprennent cela "doivent de bonne volonté accepter de la porter au nom de tous". Mais cette solidarité s'exerçait en un sens aussi vis-à-vis du peuple allemand, auquel elle était profondément attachée par toute sa culture humaniste et chrétienne. D'une manière singulière, elle a vécu en elle-même un déchirement à l'image de celui du Christ, "qui des deux (peuples) n'a fait qu'un seul, détruisant la barrière qui les séparait, en sa personne il a tué la haine". (Eph.2, 14-16) Ainsi Edith nous dit qu'il n'est pas possible de devenir des saints tout seuls, chacun pour soi ! La solidarité est une clé essentielle de la vocation chrétienne. Ecoutons une dernière fois Edith STEIN : "Notre amour envers le prochain est la mesure de notre amour pour Dieu. Pour les chrétiens, et pas seulement pour eux, personne n'est étranger. L'amour du Christ ne connaît pas de frontières."


Jean Benoît de BEAUCHENE

 

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