Sainte Anne d’Auray : l’histoire

 

Un Jour de l'année 1625, un conseiller au Parlement de Bretagne mène une enquête en son manoir de Saint Jean Brévelay. Il interroge un paysan nommé Nicolazic. Notre magistrat a l'expérience des instructions civiles par auditions de témoins, et il procède avec prudence. Mais le cas n'est pas ordinaire. C'est l'Evêque de Vannes, son beau-frère, qui lui a demandé de l'aider de sa sagesse : Nicolazic a vu une pluie d'étoiles tomber sur son champ du Bocenno et sainte Anne lui est apparue pour lui faire retrouver une statue millénaire, et construire une chapelle.

L'évêque et le conseiller au Parlement sont finalement convaincus de la véracité du récit de Nicolazic. Il est d'ailleurs confirmé par des témoins dans ses parties essentielles, et la statue annoncée a été retrouvée. Tous les éléments de l'enquête préalable que l'évêque avait fait effectuer concordent avec les déclarations du voyant.

Alors, estimant les faits établis, Mgr de Rosmadec ordonne une seconde enquête sur les aspects théologiques et spirituels des apparitions de sainte Anne, et sur la personnalité de Nicolazic. Cette seconde enquête, confiée aux Pères Capucins, est également favorable, et l'évêque autorise pour le 26 juillet 1625, la première messe du pèlerinage. Une foule immense, évaluée à 100.00 personnes, y participe.
Depuis lors, les foules n'ont jamais cessé de venir à Sainte Anne d'Auray. Avant la visite du Pape en 1996, on estimait le nombre des pèlerins à 800. 000 par an. Et il est rare encore aujourd'hui que dans une famille bretonne quelqu'un n'ait pas fait le pèlerinage. Pour le pèlerinage de Jean Paul II , 150.000 personnes étaient là.

Ces apparitions et ces faits reconnus par l'Église, n'étaient pas destinés aux seuls pèlerins bretons. Le message confié à Nicolazic s'adresse à tous. C'est pourquoi Jean-Paul II a considéré Sainte-Anne d'Auray comme un lieu important à visiter. Mais avant de tenter de saisir la signification de ces apparitions, reprenons-en l'histoire.

En ce début du XVIIe siècle, Nicolazic est un paysan du “ Broérec ” - le Vannetais - qui ne parle que le breton et ne sait ni lire ni écrire. C'est cependant un agriculteur capable, aisé, de bon conseil. Mais c'est aussi un homme de vie spirituelle simple et profonde. Priant, aidant les autres, charitable. Enfin comme le diront ses historiens Buléon et Le Garrec un saint laïc.

Il faut noter que Nicolazic et sa femme - ils n'ont pas d'enfants encore – habitaient le village de Ker Anna, “ village d'Anne ” en breton, et leur champ du Bocenno selon une ancienne tradition aurait autrefois contenu une chapelle dédiée à sainte Anne. On avait des difficultés à travailler ce champ où les bœufs ne pouvaient entrer avec la charrue. Le père de Nicolazic en avait, quinze ans plus tôt, retiré certaines pierres de granit taillées pour construire une grange.

Au commencement d'août 1623 donc, au soir d'une journée de travail, et alors qu'il pensât spécialement à sainte Anne "sa bonne patronne", une lumière très vive éclaira la chambre de Nicolazic et une main apparut tenant dans la nuit un flambeau de cire. A plusieurs reprises, Nicolazic dans la suite, se verra reconduit la nuit, au long des chemins creux, par un flambeau qui le précède.

Un soir avec son beau-frère, ils verront une Dame blanche avec un cierge à la main au fameux champ du Bocenno. Une autre fois, c’est une pluie d'étoiles qui tombe dans le champ. Mais tous ces événements se déroulent paisiblement, lente ment. Et Nicolazic qui s'interroge ne change rien à sa vie, sinon prier encore plus.

Le 25 juillet 1624, veille de la sainte Anne, la Dame apparaît à nouveau le soir sur le chemin, lui dit des paroles pour le rassurer et le conduit chez lui, un flambeau à la main.

Nicolazic cependant ne peut rester avec les siens. S'interrogeant sur ces événements, il s'en va prier dans sa grange. C'est alors qu'il entend sur le chemin “le bruit d'une grande multitude en marche ”. Mais il n'y a personne sur le chemin !

Puis dans la clarté, la Dame mystérieuse apparaît et voici qu'elle lui parle : “ Yves Nicolazic, ne craignez pas. Je suis Anne, mère de Marie. Dites à votre recteur que dans la pièce de terre appelée le Bocenno, il y a eu autrefois, même avant qu'il n'y eut aucun village, une chapelle dédiée en mon nom.
“ C'était la première de tout le pays. Il y a 924 ans et 6 mois qu'elle est ruinée. Je désire qu'elle soit rebâtie au plus tôt et que vous en preniez soin parce que Dieu veut que j'y sois honorée. ”
Nicolazic, disent les historiens, s'endormit tranquille : le mystère s'éclairait et les choses prenaient leur juste place, au ciel comme sur la terre. Pourtant il allait falloir encore un an avant la première messe de sainte Anne au Bocenno. Les prêtres à l'époque n'étaient pas plus prompts qu'aujourd'hui à croire aux apparitions. Et, n'était-ce pas le plan de Dieu d'augmenter le dossier de faits concrets pour donner à la chapelle de sainte Anne le caractère le plus authentique en même temps que merveilleux ?

Le recteur réprimandait donc sévèrement le bon Yves Nicolazic. Mais deux chrétiens laïcs l'encouragèrent, M.M. de Kermedio et de Kerloguen : ce dernier, propriétaire foncier du champ du Bocenno promet de le donner pour la chapelle, et il lui conseille de prendre des témoins des faits merveilleux.
Quand dans la nuit du 7 au 8 mars 1625 sainte Anne apparaît une nouvelle fois, elle recommande à Yves de prendre ses voisins avec lui :
“ menez-les avec vous au lieu où ce flambeau vous conduira, vous trouverez l'image (la statue) qui vous mettra à couvert du monde, lequel connaîtra enfin la vérité de ce que je vous ai promis ”.
Quelques moments plus tard, les paysans déterraient au pied du flambeau une vieille statue de bois rongée, avec cependant encore des traces de blanc et d'azur.

Trois jours plus tard, les pèlerins commençaient à arriver en foule pour prier sainte Anne devant la statue. C'était la réalisation de cette prophétie à Nicolazic de la multitude en marche. Multitude qui ne s'est pas arrêtée jusqu'à nos jours.
Malgré les réserves du curé- qui finira par faire amende honorable - l'enquête se déroule comme nous l'avons indiqué au début, et la première messe officielle sera célébrée, par décision de l'évêque de Vannes, le 26 juillet 1625.

Le paysan bâtisseur

A partir de ce jour, Yves Nicolazic devient bâtisseur. Il dirige les travaux, conduit les charrois volontaires de pierre ou d'ardoise, les abattages de bois, paie les entrepreneurs, et tout cela avec sagesse et probité, lui qui ne sait ni lire, ni écrire, ni parler autre chose que le breton. La chapelle construite, il s'efface, quitte le village de Keranna pour laisser toute la place à sainte Anne et aux pèlerins innombrables.

Jean Loguevel

Voir aussi: Questions sur Sainte Anne d'Auray

 

 

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