1 Notice
Par Paul Monceaux
Le 17 juillet 180, à Carthage, devant le tribunal du proconsul d'Afrique Saturninus, étaient traduits douze chrétiens, sept, hommes et cinq femmes, qu'on venait d'arrêter dans la petite ville de Scillium, en Proconsulaire. Après un interrogatoire, où un certain Speratus joua le rôle principal, mais où tous refusèrent de renier leur foi, le proconsul les condamna à mort et les fit aussitôt décapiter.
Le 17 juillet 180, à Carthage, devant le tribunal du proconsul d'Afrique Saturninus, étaient traduits douze chrétiens, sept, hommes et cinq femmes, qu'on venait d'arrêter dans la petite ville de Scillium, en Proconsulaire. Après un interrogatoire, où un certain Speratus joua le rôle principal, mais où tous refusèrent de renier leur foi, le proconsul les condamna à mort et les fit aussitôt décapiter.
De ce document, qui a été souvent remanié aux siècles suivants, nous possédons cinq recensions latines et une traduction en grec. L'original était certainement en latin. Dans la série des recensions latines, on voit le texte s'altérer et s'interpoler de plus en plus ; mais la plus ancienne, sauf pour quelques mots, paraît être la reproduction fidèle du document officiel.
C'est celle dont nous donnons ci-dessous la traduction, d'après l'édition de Von Gebhardt (Acta martyrum selecta, p. 22-27). Sur l'histoire des Scillitains et les recensions du procès-verbal, voir notre étude critique (Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne, tome I, p. 61 et suiv).
Les Actes des Scillitains, postérieurs d'une quinzaine d'années aux Actes de saint Justin, sont le plus ancien document de l'hagiographie africaine, même de l'Afrique chrétienne. A ce titre, ils présentent pour l'historien un intérêt de premier ordre. Mais ils valent aussi en eux-mêmes, par la beauté sévère de la scène, par l'éloquence des faits saisis sur le vif.
2 Les Actes
ACTES DES MARTYRS SCILLITAINS
Sous le consulat de Praesens, consul pour la seconde fois, et de Claudianus, le seize des calendes d'août, à Carthage, dans le secretarium (salle d'audience), comparurent Speratus, Nartzalus et Cittinus, Donata, Secunda, Vestia.
- Le proconsul Saturninus dit: «Vous pouvez obtenir le pardon de notre seigneur l'empereur, si vous revenez à la raison ».
- Speratus dit : « Jamais, nous n'avons rien fait de mal, ni participé à aucune iniquité. Jamais, nous n'avons rien dit de mal. Au contraire, quand on nous maltraitait, nous avons rendu grâces,parce que nous honorons notre empereur ».
- Le proconsul Saturninus dit : « Nous aussi, nous sommes religieux, et notre religion est simple ; nous jurons par le génie de notre seigneur l'empereur, nous prions pour son salut. Vous aussi, vous devez le faire ».
- Speratus dit : « Si tu veux m'écouter tranquillement, je vais t'expliquer le mystère de la simplicité ».
- Le proconsul Saturninus dit : « Tu vas attaquer notre religion; je ne t'écouterai pas. Jurez plutôt par le génie de notre seigneur l'empereur.»
- Speratus dit : « Moi, je ne connais pas l'empire de ce monde ; mais plutôt je sers ce Dieu qu'aucun homme n'a vu ni ne peut voir avec ses yeux. Je n'ai pas commis de vol ; si j'achète quelque chose, je paie l'impôt. C'est que je connais mon Seigneur, l'empereur des rois de toutes les nations. »
- Le proconsul Saturninus dit à tous les autres : « Abandonnez cette croyance ».
- Speratus dit : «La croyance mauvaise, c'est de commettre l'homicide, de rendre un faux témoignage ».
- Le proconsul Saturninus dit : « Ne vous associez pas à cette folie. »
- Cittinus dit : « Nous ne craignons personne, si ce n'est le Seigneur notre Dieu qui est au ciel ».
- Donata dit : « Nous honorons César en tant que César, mais nous ne craignons que Dieu ».
- Vestia dit : « Je suis chrétienne ».
- Secunda dit : « Je le suis, je veux l'étre ». - Le proconsul Saturninus dit à Speratus : « Tu persistes à te dire chrétien ? »
- Speratus dit : « Je suis chrétien ». Et tous firent la même déclaration.
- Le proconsul Saturninus dit : « Est-ce que vous voulez un sursis pour réfléchir ? »
- Speratus dit : « Dans une chose si claire, il n'y a pas à réfléchir ».
- Le proconsul Saturninus dit : « Qu'y a-t-il dans votre boîte ? »
- Speratus dit : « Les Livres sacrés et les Epîtres de Paul, homme juste ».
- Le proconsul Saturninus dit: «Profitez d'un ajournement à trente jours, et souvenez-vous. » - Speratus répéta : « Je suis chrétien. » Et tous firent de même.
- Alors le proconsul Saturninus lut sa sentence sur la tablette : « Speratus, Nartzalus, Cittinus, Donata, Vestia, Secunda, et tous les autres, ont confessé qu'ils vivaient suivant le rite chrétien. Attendu qu'on leur a offert la faculté de revenir à la religion traditionnelle des Romains, et qu'ils ont refusé avec obstination, nous les condamnons à périr par le glaive. »
- Speratus dit : « Nous rendons grâces à Dieu ».
- Nartzalus dit : « Aujourd'hui, martyrs, nous sommes au ciel. Grâces à Dieu ! »
- Le proconsul Saturninus lit faire par le héraut la proclamation suivante : « Speratus, Nartzalus, Cittinus, Veturius, Felix, Aquilinus, Laetantius, Januaria, Generosa, Vestia, Donata, Secunda, sont conduits au supplice par mon ordre ».
- Tous les martyrs s'écrièrent : « Grâces à Dieu ! »
Et ils furent aussitôt décapités pour le nom du Christ.
- Fête le 17 juillet
( Extrait de «La vraie Légernde dorée», par Paul Monceaux, de l'Institut, Professeur au Collège de France, Paris 1928, éditions Payot.)
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