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Soljénitsyne, dernière photo de détention; Libéré, il est assigné à résidence perpétuelle au Kazakstan

Qui était  Soljenitsyne
        

         Ce héros mal aimé est mort le 3 août 2008. Il était né le 11 décembre 1918.
         Héros, ce Russe Orthodoxe qui avec le Catholique Polonais Jean Paul II aura contribué de façon incommensurable à la disparition du système communiste soviétique, en URSS et dans les pays de l’Est.
         Mal aimé, cet écrivain qui fait de la liberté d’écriture un levier pour ébranler  le goulag et le rideau de fer, reçoit le prix Nobel de littérature mais est expulsé par les Soviets. Accueilli en Occident avec enthousiasme et admiration , il est bientôt rejeté, vilipendé avec mesquinerie, parce qu’il garde sa liberté vis à vis du matérialisme de l’ouest, des vues à courte vue des politiques, ainsi que des  petites intrigues polémiques rentables des médias et des intellectuels américains. Il vient en France, et se permet, 200 après la Révolution française, d’en contester la canonisation. Scandale pour certains. Les Français ne seraient donc pas assez libres encore, deux siècles après la Révolution, pour permettre à un étranger de porter un regard de vérité sur un mythe laïquement sacré.
         Héros insupportable de la liberté !

en URSS

          La Russie s’appelait alors l’URSS, c’est à dire l’Union des Républiques Socialistes soviétiques. Elle est sous la dictature d’un régime totalitaire qui durera 70 ans. Cela a commencé en 1917.
         Alexandre Soljénitsyne est né le 11 décembre 1918 à Kislovodsk, dans le Caucase. Il fait des études de sciences, de lettres et de philosophie. Pendant la seconde guerre mondiale il sert dans l’artillerie. Durant le siège de Leningrad (Saint Petersbourg) il est nommé capitaine. Mais en 1945 il est arrêté et condamné à 8 ans de détention pour avoir critiqué dans une lettre à un ami les talents militaires de « l’homme à la moustache » (Staline). Après différents lieux de détention, y compris les camps, il est assigné à résidence au Kazakhstan.
         En 1962 Kroutchev le patron de l’URSS (Russie communiste) engage une certaine « déstalinisation » et Soljénitsyne est réhabilité et autorisé à publier dans la revue Nova Mir Une journée d’Ivan Denissovitch », un livre parlant du système prisons-camps de concentration, le « Goulag ».
         Mais tracasseries, interdictions, persécutions se succèdent. C’est à l’étranger et dans le « Samizdat » (diffusion sous le manteau) que ses ouvrages suivants sont publiés : le Pavillon des Cancéreux, Le premier cercle (« Écrit de 1955 à 1958. Défiguré en 1964. Réécrit en 1968 »),  Aout 14, premier élément de l’ensemble La Roue Rouge.
         En 1970, le Prix Nobel de littérature est décerné à Alexandre Soljénitsyne. Les soviétiques veulent que ce prix lui soit remis à Moscou, à l’ambassade de Suède (le Pays du fameux prix Nobel). Il refuse.
         La renommée mondiale de Une journée d’Ivan Denissovitch est sans doute à l’origine de ce prix. Mais en URRS même ce sont  les anciens détenus du goulag qui se réjouissent de cette publication, et des milliers d’entre eux envoient à Alexandre Soljénitsyne des informations et témoignages qui  donneront la matière de l’Archipel du Goulag.
         L’archipel du Goulag est publié en France, en russe, en 1974. C’est Assia Dourof, des Dames de Sainte Marie, association d’enseignantes, alors en poste chez l’Ambassadeur de France à Moscou, qui a fait sortir le manuscrit à un moment où la persécution se resserrait : la femme qui avait dactylographié le manuscrit de l’Archipel  est retrouvée pendue à la suite de son interrogatoire par le KGB. Ces policiers politiques, véritable Terreur, voulaient trouver les manuscrits d’Alexandre Soljénitsyne dont une partie étaient enterrés dans des jardins.
         La publication à Paris de l’archipel du Goulag est une victoire sur le système soviétique communiste et sur le KGB. Les communistes préfèrent expulser Alexandre Soljénitsyne, et le déclarer déchu de sa nationalité. Mais l’immense travail que représente ce livre, le génie et la célébrité de l’auteur, la vérité de toutes les informations, contribueront à l’effondrement du système soviétique.

en Suisse

         Après être allé à Stockholm recevoir son prix Nobel il s’installe en Suisse, où Irina Alberti lui sert de secrétaire. (Irina Alberti est  une russe née Yougoslavie ; mariée à un diplomate italien, elle pourra s’évader de justesse de la Yougoslavie Communiste. Elle deviendra l’une des russes les plus cultivées et les plus influentes de l’Europe libre, à Rome, et dirige à Paris l’hebdomadaire La Pensée Russe).

aux Etats Unis

        En 1977 il s’installe aux Etats-Unis, dans le Vermont, un état du Nord de la Nouvelle Angleterre, à toucher le Canada. C’est là qu’il continue à écrire l’immense fresque de la Roue Rouge : « … je peux espérer que le matériel historique (...) que j'ai collecté entrera dans les consciences et la mémoire de mes compatriotes.»
         Après avoir avec l’Archipel du Goulag redonné un nom, une dignité, une place dans l’histoire à ceux que l’on avait de la société, exclus de la vie des hommes en les jetant dans l’univers concentrationnaire Goulag, pour la Russie dans la Roue Rouge Soljénitsyne reconstruisait la mémoire d’un peuple.
         Son opposition au système de terreur et de camps de concentration n’en fait pas pour autant un inconditionnel de la vie et de la société américaine. Dans son discours de Harvard il ose critiquer le matérialisme de l’Ouest et proposer aux étudiants de la célèbre Université de Harvard un plus haut idéal de vie. Il se refuse d’autre part à jouer le jeu des polémiques et des petites histoires à scandale dont raffolent les journalistes et intellectuels américains. L’Etablissement lui tourne le dos et il le catalogue comme « infréquentable ».

en France

         Soljénitsyne avait été accueilli deux fois à la télévision par B. Pivot, notamment à l'émission "Apostrophes" en 1995 . En 1993 pour la première fois il vient en France pour deux semaines. Philippe de Villiers, et le Conseil Général de la Vendée, l’ont invité pour le bi-centenaire de la résistance de la Vendée.  Il présidera aux côtés de l’Académicien Decaux l’inauguration du Chemin de Mémoire des Lucs, où en 1793,  550 personnes, hommes, femmes, vieillards et 105 enfants ont été massacrés  par une colonne de l’armée républicaine, une des « colonnes infernales ».
         A son arrivée à Paris, les journalistes l’interviewent, et essaient de lui faire comprendre que la Vendée, :"c’est pas bien." Mais il n’a pas de mal à retourner la situation, en une semaine la presse  est conquise : il est bien venu pour la Vendée et il explique pourquoi.
         En commençant son discours aux Lucs sur Boulogne il dira en effet : « Quand j’étais enfant en Russie et qu’à l’école on nous donnait en exemple la Révolution française écrasant en Vendée les mauvais « contre révolutionnaires », je me disais : « Il y a donc eu des gens qui ont osé se dresser contre la Révolution ! » Qui m’eut dit alors que je serais invité à présider le 200ème anniversaire de leur mémoire ! »
         Quelques voix ont cru néanmoins devoir s’étonner « qu’un étranger vienne en France et dise des « choses irrespectueuses sur la Révolution française ». Aujourd’hui encore, au lendemain de la mort de Soljénitsyne un certain Mélenchon, homme politique, écrit : « Je ne pardonne pas ». Il était donc louable de critiquer le système soviétique ? de faire connaître et finalement exploser le système du goulag, au risque d’y retourner, de lutter pour la liberté et les droits de l’homme ?  Oui, en Russie communiste pendant la dictature c’était bien ; en France critiquer la Révolution 200 ans après, ce n’est pas bien.
         Et pour essayer de diminuer le héros de la liberté, Jean Luc  Mélenchon  nous  dit que c’est Trotski et non pas Alexandre Soljénitsyne, celui qui a eu raison du goulag…

retour en Russie

        En 1994, Soljénitsyne  retourne en Russie et s’installe à Moscou. Il critique les « nouveaux Russes », c'est-à-dire les enrichis de la transition vers l’économie libérale. Il continue à travailler sur l’histoire de la Russie. On le dit « slavophile ». Certes il attache du prix à la patrie russe et à l’Orthodoxie. Vouloir restituer une mémoire aux Russes après et à travers 70 ans de communisme n’est pas un chemin facile. Alexandre Soljénitsyne a osé y travailler, avec son génie.
         Il est enterré dans le cimetière du monastère Donskoï, à Moscou. Alexandre Soljénitsyne était un croyant Orthodoxe. A la fin de sa vie il écrivait des prières. Et voici ce qu’il écrivait de la prière pour les âmes des morts :
         « La prière pour les âmes des morts projette, de nous vers eux, d'eux vers nous, une arche immatérielle d'une portée universelle et d'une proximité sans obstacle » ( A. Soljénitsine – cité  par Irina de Chikoff, Figaro Magazine du 7 août 08).

En déportation

Œuvres

Pour en savoir plus

Prix Nobel de littérature