50 questions
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Pourquoi vouloir qu’un enfant handicapé vive
alors qu’il a toutes les chances d’être malheureux ?

Sa vie sera-t-elle heureuse ou malheureuse ? Cela ne dépend pas de la gravité de son handicap. Cela ne dépend pas du nombre de cellules de son cerveau. Cela dépend de son entourage, car l’essentiel du bonheur, pour lui comme pour chacun de nous, est d’aimer et d’être aimé.

Le petit enfant est là. Il ne connaît pas tout le drame qui se vit autour de lui, mais il le sent par toutes les fibres de son être. Par la tonalité de la voix, par la douceur ou l’indifférence des gestes, par le temps, paisible ou angoissé qu’on lui accorde, il sait s’il est accueilli ou s’il est rejeté. Même celui dont le handicap semble avoir envahi tout l’être, oui, nous le croyons, est une personne. Combien de parents, tel le philosophe Emmanuel Mounier, face à sa petite Françoise dont l’intelligence paraissait complètement éteinte, ont pressenti une présence qui les appelait à un surcroît d’amour, d’espérance et de tendresse.

Mais livrés à leur solitude, bien des parents sont presque incapables de cet amour inconditionnel. Ils ont besoin d’être rejoints par tout un réseau d’amis. Et chacun de nous peut devenir l’un de ces amis.

Témoignage

L'année de mes 33 ans, j’ai mis au monde notre troisième enfant, une petite fille que nous avions choisie d’appeler Marie. Un quart d’heure après sa naissance, la pédiatre est venue m’annoncer que notre bébé était atteinte de trisomie 21 (nom scientifique de la maladie des enfants mongoliens). Rien ne laissait présager ce handicap : je n’avais pas jugé utile de me soumettre au prélèvement sanguin de dépistage, n’étant pas dans la tranche d’âge considérée “à risque”. De toute façon, mon mari et moi avions décidé que, quel que soit le handicap qui pourrait toucher l’un de nos enfants, nous refuserions l’avortement. Après coup, j’ai été soulagée que rien n’ait été détecté au stade prénatal, car au moins, j’ai passé une grossesse sereine.

Sur le coup — sans doute ai-je reçu une grâce particulière je n’ai pas été catastrophée : je m’étais déjà occupée d’enfants mongoliens, je savais que leur handicap peut être léger, que ce sont des enfants particulièrement affectueux et qu’ils peuvent très bien être intégrés dans un milieu normal. Mais mon mari, lui, fut bouleversé. Il se sentait incapable d’accueillir Marie, préférant que nous nous en séparions légalement au plus vite… Nos familles partagèrent d’emblée sa réaction. Et un sentiment de panique finit moi aussi par m’atteindre. Pourquoi cet enfant ? Pourquoi nous ? Dans ma tranche d’âge, il y a un risque sur 750 qu’un bébé naisse trisomique et c’était tombé sur nous… Que faire ? Comment allait réagir nos deux aînés ? Et notre entourage ? Quel serait l’avenir ?

Si tu as ce courage, moi aussi…

Ma mère, heureusement, me donna les coordonnées de l’Office Chrétien des Handicapés. Je téléphonai aussitôt, expliquant la situation. Le lendemain, une personne vint me voir à la clinique et je pus lui poser toutes mes questions. Elle m’expliqua que, si le développement de ces enfants est plus lent que celui des enfants normaux, ils peuvent cependant commencer à marcher vers deux ans, être propres à deux ans et demi et aller à l’école maternelle avec les autres enfants. Ils sont très sociables, aiment généralement beaucoup la musique (détail important car mon mari est musicien) et, si leur âge mental ne dépasse pas huit ans, ils peuvent toutefois suivre l’école primaire en classe d’adaptation ou être accueillis dans des établissements spécialisés tout à fait adaptés.

Cette personne revint nous voir tous les jours. Au bout d’une semaine, j’expliquai à mon mari que je pensais avoir la force de garder Marie. « Si tu as ce courage, me répondit-il, je peux sans doute l’avoir aussi… » Il réalisait que, si nous abandonnions Marie, je ne pourrais jamais plus être heureuse comme avant.

Nous sommes donc rentrés chez nous avec Marie. Elle fut un bébé très calme qui fit rapidement ses nuits. Nos familles, bien sûr, furent totalement déconcertées par notre décision mais lorsque nous leur avons rendu notre première visite, ils furent conquis par le joli petit visage et le charme de Marie.

Des soutiens pour l’avenir

Notre petite fille a maintenant un an et je dois constater que, pour le moment, la vie n’est pas plus difficile qu’avant. Au contraire, nous sommes touchés par l’attention et la délicatesse de notre entourage à son égard : chacun nous demande des nouvelles et se réjouit de ses nouveaux progrès.

Comment voyons-nous l’avenir ? Sans trop d’appréhension, car nous nous sentons entourés aussi bien médicalement que personnellement. Il y a actuellement beaucoup de recherches et d’expériences qui sont faites pour stimuler et intégrer les enfants trisomiques : Marie bénéficie, par exemple, de séances de kinésithérapie à domicile qui l’aident à fortifier ses muscles.

D’autre part, nous comptons bien nous appuyer sur le mouvement chrétien Foi et Lumière, fondé spécialement pour les enfants handicapés et leurs familles, qui nous aidera à ne pas être seuls devant les difficultés que nous rencontrerons sans doute dans les années à venir.

Un atout pour nos aînés

Expérience paradoxale sans doute, que celle de découvrir que le bonheur peut naître de l’épreuve vécue avec l’aide de Dieu : car nous sommes réellement heureux. Marie nous apporte le message essentiel qu’au-delà de toute réussite intellectuelle et sociale, toute personne a une valeur en soi. Nos deux garçons seront sensibilisés à ce message et ce sera sûrement un atout pour leur avenir.

Annie


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