Avant propos,
de Roland HDLV.
“ Cette Légende Bretonne (au titre réel inconnu) venant
des C. du N. m’a été contée par le Père
Mahé du village de Kerscouat. Peut être a-t-elle été
recueillie déjà, qu’importe, je la note la trouvant
jolie. ”
Voici
déjà des siècles et des siècles existait au
pays de chez nous une famille si pauvre qu’elle ne parvenait à
nourrir ses enfants tellement ils étaient nombreux. La mère,
ne sachant plus à quel saint se vouer, en prit deux et les emmena
loin en forêt, une charmante fillette de sept ans et son frère
âgé de cinq, afin de les y abandonner. Les petits se sentant
fatigués s’endormirent sur la mousse à l’ombre
des grands arbres. Alors la pauvresse après les avoir embrassés
s’en fut tristement.
On a beau bien dormir lorsqu’on est
jeune le réveil se produit avec un nouveau besoin de mouvement.
La petite fille reprit la première ses sens, tout étonnée
de ne voir sa maman. Désireuse de trouver un gîte autre qu’à
l’auberge de la belle étoile en sa qualité d’aînée
secoua doucement son cadet. Vu que la nuit s’approchait, là
compère loup risquait de les croquer.
Les pauvrets, souvent la larme à
l’œil, marchèrent, marchèrent, poussés
par la peur. Enfin à la lisière des bois ils aperçurent
un manoir avec une tour au toit pointu, et une autre en forme de poivrière
accolée à son côté sur lesquelles étaient
huchés chouettes, hiboux et autres oiseaux. L’architecture
les intéressait peu, mais un lit beaucoup.
Les délaissés frappèrent
à la porte comme chien timide y eut gratté. Une femme longue,
sèche, à nez crochu et dents extra pointues ouvrit. Les
enfants lui expliquèrent très poliment l’objet de
leur visite. La mégère, les trouvant gentils, surtout de
chair aussi tendre que cochon de lait, consentit à les nicher avec
ses deux marmots juste du même âge. Mais afin d’éviter
toute confusion elle les plaça par-devant, tournés dans
le sens opposé aux siens, et prit de plus la précaution
de les transformer en petits Saint Jean.
Cela fait la bonne femme éteignit
sa chandelle de résine puis remisa sa carcasse non rembourrée
au fond d’un lit clos, ne tardant pas à s’endormir
du sommeil que certes mérite une attentive ménagère
qui a assuré pour son retour le repas de son homme.
Lorsqu’elle ronfla mieux que la machine
à battre, les deux petits nouveaux, inquiets, ou plutôt protégés
par une Fée bienfaisante, se mirent en devoir sans bruit de dépouiller
leurs camarades de repos de leurs vêtements, leur donnant “
en pour ” une sainte nudité, plus la place qu’ils occupaient.
Vers minuit rentra l’époux
de la sorcière, qui était l’ogre de la contrée.
Il alla à tâtons inspecter son garde manger spécial.
Heureux, il sentit grouiller sous sa main, tels en un poulailler des chapons
dodus, un duo d’être humains tout à fait de son goût.
Pas d’erreur admissible, sa bourgeoise avait aimablement pensé
à lui. Il tordit le cou à la bonne volaille, après
quoi la prépara afin de la mettre à la broche et la manger
avec délices (et ogre).
Le lendemain matin la ménagère
ordonna à sa nouvelle fille adoptive sans qu’elle s’en
douta, car elle ne regardait jamais sa fille, d’aller “ crir
” (quérir) de l’eau pour laver la salle. La petite
emporta un lourd seau pour le remplir à un puits assez éloigné.
Rendue là, elle trouva une vieille courbée, cassée,
qui connaissait les maléfices de ce méchant couple carnassier
habitant le manoir.
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